Focus -212-Odéon ~ Théâtre de l’Europe
Entretien Benjamin Porée
Ateliers Berthier 17e / Platonov / de Tchekhov / mes Benjamin Porée
Publié le 22 août 2013 - N° 212Une fête sans fin
Pièce écrite à dix-huit ans par Tchekhov, Platonov propose un texte fleuve où l’œuvre à venir du dramaturge russe est en germes. Déjà y percent l’ennui et le mal-être d’une génération en quête de repères, ce vol au-dessus du rien dont Benjamin Porée s’empare en grand format.
Selon vous, quelles perspectives ouvre Platonov ?
Benjamin Porée : Je vois dans Platonov une fête païenne, une fête sans fin qui donne l’illusion d’appartenir à une société. Dans cette fête, on voit très vite qu’il y a des failles partout et la pièce offre l’occasion de se demander comment se pansent les blessures. Le personnage de Platonov porte sa douleur de vivre et sa solitude tandis qu’autour de lui, tout le monde fait bonne figure. Mais chacun, pourtant, est en attente d’une nouvelle vie qui ne viendra jamais.
Pour représenter cette fête, vous avez fait appel à des figurants…
B.P. : Dans la première partie du spectacle – celle où se déroule la fête –, il y a en effet sur le plateau seize personnages et vingt figurants. Il s’agit de faire contrepoint à Platonov qu’on retrouve ensuite tout seul chez lui, dans sa vérité et son univers mental. Et bien entendu, la fête avec son feu d’artifice final a aussi une forte dimension théâtrale.
« Je cherche à percer le sens du texte pour en faire don au spectateur. »
Cette densité sur scène a-t-elle un impact sur le jeu des acteurs ?
B.P. : Absolument. Je cherche de manière générale, non pas à ce que les comédiens travaillent la psychologie des personnages, mais bien davantage à percer le sens du texte pour en faire don au spectateur. J’aime le jeu quand il est parlé. Un comédien peut murmurer ou mettre de la colère dans une réplique, peu importe, du moment qu’il transmet le sens et qu’il est dans la sincérité. Avec toutes ces personnes sur scène, les déplacements peuvent varier, les atmosphères se transformer, les comédiens doivent donc être très attentifs et toujours au présent, impliqués à rendre intelligibles les mystères que recèle le texte.
Vous parlez du texte mais votre travail est aussi très visuel…
B.P. : Au plateau, on travaille par “improvisations ciblées“, comme dit Krystian Lupa. Mais c’est vrai que dans mon travail de mise en scène, je pense énormément en images. J’essaye par exemple de faire un travail cinématographique sur le premier et le second plan. La scène de fête ressemble certainement à ces grands repas de Visconti ; esthétiquement parlant, je me sens proche du travail de Tarkovski ou d’Angelopoulos.
Pièce de jeunesse de Tchekhov, cette oeuvre constitue-t-elle aussi une pièce sur la jeunesse ?
B.P. : Le titre original de la pièce signifie littéralement « le fait social de ne pas avoir de père ». Dans leur préface, Markowicz et Morvan soulignent qu’il s’agit d’une pièce fleuve qui donne l’occasion à chaque metteur en scène d’en faire ce qu’il veut. Personnellement, je cherchais un texte avec une langue parlée et vivante, tremblante comme l’est celle de Tchekhov. Nous avons donc opéré un travail de coupe et nous débutons la pièce par le monologue de Platonov sur son père. A la fin, Platonov meurt et va donc être absent pour son fils également. Mais ce mal-être d’enfant sans père vaut pour tous les personnages. Au milieu d’eux, Platonov est un anti-héros qui propose simplement un effort de vérité, une extra-lucidité qui fait mal, qui pointe que l’homme ne vit pas comme il faudrait, mais ne sait pas non plus comment guérir.
Propos recueillis par Eric Demey
A propos de l'événement
Platonovdu mercredi 8 janvier 2014 au samedi 1 février 2014
ATELIERS BERTHIER
1 rue André Suarès, 75017 Paris
Odéon – Théâtre de l’Europe. Théâtre de l’Odéon, Place de l’Odéon, 75006 Paris. Ateliers Berthier, 1 rue André Suarès, 75017 Paris. Tél : 01 44 85 40 40. www.theatre-odeon.eu