Not Here / Not Ever
Au point de rencontre d'une compagnie [...]
Focus -221-Théâtre National de Chaillot / Saison 2014/2015
Artiste permanent au Théâtre National de Chaillot, José Montalvo prépare deux créations pour la saison 2014-2015.
Asa Nisi Masa : d’où vient le titre, à la fois étrange et familier, de votre prochaine création jeune public ?
José Montalvo : C’est une sorte d’incantation, liée à la peur, au rêve et à la magie, que chuchote une enfant dans le film Huit et demi, de Fellini. Un clin d’oeil au grand réalisateur, qui, à partir de cette formule, vagabonde dans sa propre enfance.
Vagabonder dans son enfance… Est-ce ce que vous faites, vous aussi, avec cette pièce ?
J. M. : Certainement ! Mes premiers souvenirs de danse remontent à l’enfance, plus précisément aux fêtes des Vendanges qui se déroulaient dans les Corbières, près de Carcassonne : les travailleurs saisonniers – Espagnols, Italiens, Algériens… – qui venaient en Fance pour les vendanges se retrouvaient, le soir, dans une atmosphère merveilleusement exubérante. Chacun, tour à tour, apparaissait comme un danseur virtuose… Au sein de cette population plutôt pauvre, j’ai fait l’expérience de la richesse : celle du plaisir, de la danse, de la capacité à partager. Je crois que je chorégraphie avant tout pour retrouver ces émotions d’enfance. Chorégraphier une pièce pour jeune public, a fortiori, c’est transmettre ces émotions à d’autres enfants. Et leur communiquer cette conscience précieuse : la danse est une fête. J’aimerais qu’Asa Nisi Masa soit une fête, c’est-à-dire que l’on y assiste, mais aussi que l’on y participe : une pièce à voir, à chanter, à danser…
L’idée de la danse comme fête résonne aussi avec le titre (provisoire) de la pièce que vous créerez en juin 2015 : La Joyeuse…
J. M. : Il s’agira d’une pièce en deux volets. D’abord la relecture d’une grande oeuvre de l’histoire de la danse, Le Sacre du Printemps : j’ai toujours hésité à me confronter à une telle partition, qui a inspiré tant de grands créateurs… Aujourd’hui, j’ai décidé de relever le défi. L’autre partie sera une sorte de comédie musicale, constituée de grands airs populaires, des « tubes » de ces trente dernières années. Deux univers musicaux très contrastés, donc : j’ai pensé à cette lettre de Kandinsky dans laquelle il se propose de mettre « une image populaire à côté d’un Picasso« … Je pense profondément que notre vie est hétérogène : le matin, j’entends du rap à la radio, le soir je vais voir un opéra de Mozart (ou l’inverse). Cette hétérogénéité peut être le fondement d’une esthétique métisse, qui me semble particulièrement nécessaire à notre époque où des nationalismes obscurs s’élèvent. Il nous faut repenser nos imaginaires, inventer des liens et des rencontres. Ainsi, pour relier ces deux parties hétérogènes, je convoque un troisième terme : L’Epopée de Gilgamesh, le premier grand roman de l’histoire de l’humanité. J’en ai extrait un personnage, la Joyeuse, qui a la particularité de civiliser les hommes par l’érotisme. Envisager l’acte sexuel comme un acte civilisateur, alors qu’on le conçoit volontiers comme une menace pour l’ordre moral, m’est apparu comme une idée réjouissante – et formidablement émancipatrice !
Propos recueillis par Marie Chavanieux
Asa Nisi Masa du 9 octobre au 7 novembre 2014. La Joyeuse (titre provisoire), du 12 juin au 3 juillet 2015.
Tél. : 01 53 65 30 00.
Site : www.theatre-chaillot.fr
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