Éloge du décalage

Il fut l’une des figures les plus atypiques de la musique électroacoustique. Né en 1929, Luc Ferrari étudie auprès, excusez du peu, d’Alfred Cortot, Arthur Honegger et Olivier Messiaen. Son parcours semble tout tracé. Sauf que, atteint de tuberculose, il doit arrêter son apprentissage du piano. En parallèle, Ferrari se passionne de plus en plus pour les sons de la rue, du quotidien. Il rencontre Pierre Schaeffer et dès 1958 collabore avec le GRM (Groupe de recherches musicales). Il créé ensuite son propre studio électroacoustique, le Studio Billing, avant de fonder en 1982 La Muse en circuit. Ses œuvres, qu’elles soient purement électroacoustiques ou mixtes, se distinguent par leur liberté de ton, d’Études aux accidents (1964) à Tautologies et environs (2001), en passant bien sûr par Hétérozygote (1964). On retrouve dans ses partitions un goût pour la répétition et pour la construction narrative. Pour ce concert hommage, dix ans (déjà) après sa mort, Élise Caron et Denis Chouillet donnent à entendre Collection de petites pièces ou Trente six enfilades pour piano et magnétophone, et Journal intime, comédie musicale pour un pianiste et une récitante et chanteuse. Deux partitions, écrites dans les années 80, qui viennent aussi nous rappeler le pouvoir humoristique et génialement décalé de la musique de Ferrari.

Antoine Pecqueur