La Terrasse

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DOMINIQUE PITOISET

DOMINIQUE PITOISET - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 octobre 2011

LE THÉÂTRE-MONDE

DOMINIQUE PITOISET, DIRECTEUR DU THEATRE NATIONAL DE BORDEAUX AQUITAINE, PROPOSE DEUX SPECTACLES TRES DIFFERENTS. MORT D’UN COMMIS VOYAGEUR, SECOND VOLET DE SON TRIPTYQUE CONSACRE AU THEATRE NORD-AMERICAIN D’APRES-GUERRE, ET MARIONNETTES SUR L’EAU DU VIETNAM, LE MAITRE DES MARIONNETTES, QUI DEVELOPPE UN THEATRE A LA FOIS DOCUMENTAIRE ET POETIQUE AUTOUR DE LA FIGURE DU CREATEUR DES FAMEUSES MARIONNETTES SUR L’EAU DU VIETNAM.

« Monter et montrer ce théâtre qui traite de crise morale sur fond de crise sociale. » Dominique Pitoiset
 
 
Avec Mort d’un commis voyageur d’Arthur Miller, vous persistez dans le théâtre nord-américain ?
Dominique Pitoiset : En effet, car les nouvelles traductions de Daniel Loayza permettent de redécouvrir certains textes. Jean-Claude Grumberg n’avait fait qu’adapter le texte de Miller, Loaza en propose la première vraie traduction et fait entendre la langue concise, concrète, immédiate et réactive de l’auteur. Miller était un humaniste engagé politiquement. Il donne à voir la réalité de la grande crise américaine. Et quand j’ai commencé cette série avec Qui a peur de Virginia Woolf, je voulais monter et montrer ce théâtre qui traite de crise morale sur fond de crise sociale.
 
C’est un théâtre assez peu représenté sur nos scènes…
D. P : Oui. Il faudrait un peu laisser dormir Tchekhov, que l’on a épuisé, et partir à l’exploration de ce théâtre-là. Seulement, cela pose des problèmes financiers, avec des droits de représentation souvent exorbitants. Avec les agents américains, on ne discute que de dollars et pas de contenu. De plus, il est parfois considéré comme un théâtre commercial, qui surferait sur le succès des films. Pourtant, c’est avant tout un théâtre de l’immédiateté, vif et rapide. Celui d’Arthur Miller tout particulièrement, dont Brando disait : « Pour le jouer, il faut toujours penser que tu as des hémorroïdes et que tu es assis sur un lit de braise ».
 
Pourquoi avoir choisi cette œuvre tout spécialement ?
D. P : Mort d’un commis voyageur est une pièce assez tragique autour du personnage de Willy, représentant de commerce, qui tourne depuis des années dans sa voiture, qui a cru à la stabilité de l’emploi, s’est acheté un pavillon dans la banlieue de New-York, avec des traites à payer, et se retrouve au chômage, à faire semblant de travailler pour donner le change à sa famille. Il comprend alors que s’il se suicide, avec l’assurance-vie que toucheront ses proches, il leur sera plus précieux mort que vivant. Il est victime d’un mécanisme de précarisation et d’exclusion qu’il est évidemment facile de transposer dans l’univers contemporain.
 
Votre second spectacle concerne les mythiques marionnettes du Vietnam…
D. P : Il y a 20 ans, Jean-Luc et Chantal Largnier ont fait découvrir en Europe les marionnettes sur l’eau du Vietnam. Mais aujourd’hui, au Vietnam, c’est devenu une véritable usine à touristes. On produit ces marionnettes 36 fois par semaine, 6 fois par jour. C’est ennuyeux et c’est du grand n’importe quoi. Seulement, à 30 km d’Hanoï, il y a la pagode du maître des marionnettes, celui qui les a fait naître au xie siècle, et à l’intérieur de cette pagode, le plus vieux théâtre sur l’eau du Vietnam ainsi que le sarcophage du vieux maître. Un bonze, responsable du lieu, l’ouvre une fois par an devant des milliers de personnes. Lors de cette cérémonie, suivant un mécanisme de boîte à fils, une marionnette grandeur nature sort du sarcophage et s’anime : la légende dit que c’est le corps du maître des marionnettes qu’à sa mort des termites ont porté hors de terre et que les paysans ont recouvert de pâte à bois.
 
Ce sera le sujet de votre spectacle ?
D. P : Ce spectacle est complètement passionnel pour moi. Je ne sais pas bien encore ce qu’il sera. Je veux imaginer un poème visuel et musical sur l’eau, et témoigner de la vie légendaire de ce maître, du bestiaire des marionnettes, en utilisant notamment une statue bouddhiste que nous animerons. Et en même temps je veux témoigner des transformations contemporaines du Vietnam, la pagode du maître étant menacée par un projet d’urbanisme qui veut installer Splendora, une gigantesque cité de verre, à sa place.

Propos recueillis par Eric Demey


Mort d’un commis voyageur, d’Arthur Miller, mise en scène de Dominique Pitoiset, du 22 mars au 1er avril. Marionnettes sur l’eau du Vietnam, Le Maître des Marionnettes, argument et mise en scène de Dominique Pitoiset, du 13 au 17 mars.
 

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