La poésie torturée de Lautréamont
Matthias Langhoff s’empare des Chants de Maldoror.
Matthias Langhoff est un artiste à rebrousse-poil. Hardi, indocile, décidément rebelle aux injonctions des bonnes mœurs théâtrales comme des conformismes politiques, il gratte, démange, voire écorche vif le plastron d’un art gentiment ajusté dans le costume des conventions. Chez lui, la démesure joue avec rigueur, l’audace tance l’érudition pincée et la glose fanfaronne. S’il brutalise parfois les textes, c’est pour les débarrasser de l’encaustique des exégèses racornies par les ans et en redonner tout l’éclat tranchant. Et aussi pour dérouter le regard hors des rivets de l’habitude. « Le théâtre est l’art d’organiser le scandale », clame-t-il.« Il doit révéler le scandaleux et l’obscène que le monde s’efforce de cacher, les inégalités, les injustices, les brutalités, et tout notre système. Afin que cela ne demeure pas enseveli, oublié mais soit dénoncé. A tout le moins, un spectacle doit déranger. »*
Rébellion contre Dieu
Voilà donc que Matthias Langhoff s’attaque aujourd’hui à une œuvre profondément farouche : Les Chants de Maldoror, publiés en 1869 par un mystérieux comte de Lautréamont, alias Isidore Ducasse. Géniale et déconcertante, cette œuvre sonne la rébellion de l’homme contre Dieu, « l’éternel à face de vipère » créateur du monde. Le metteur en scène s’empare à sa manière de cette poésie torturée par la fureur blasphématoire et les maléfices imaginaires, l’entrelardant de films, de rap, de musique de Milhaud et de chansons de Jim Morrison. « C’est au comte de Lautréamont qu’incombe peut-être la plus grande part de l’état de choses poétique actuel : entendez la révolution surréaliste », confiait André Breton. Quelle révolution nous prépare Matthias Langhoff ?
Gwénola David
*Matthias Langhoff, entretien par Odette Aslan, éd. Actes Sud-Papiers-CNSAD.
Dieu comme patient – Ainsi parlait Isidore Ducasse, Work in Progress (spectacle en français), d’après Lautréamont ; montage et mise en scène de Matthias Langhoff. Du 16 au 19 février 2008.