La Terrasse

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Dimiter Gotscheff

Dimiter Gotscheff - Critique sortie Théâtre
Légende visuel : « Le tableau radical et pessimiste d’une société de l’abondance. »

Publié le 10 janvier 2008

Un cauchemar coloré

Après le succès d’Ivanov, Dimiter Gotscheff revient au Standard idéal avec DerTartuffe, pièce à travers laquelle le metteur en scène bulgare examine une famille bourgeoise se prenant les pieds dans les attributs de sa pompe et de sa vacuité.

Qu’est-ce qui vous a porté vers le théâtre de Molière ?

Dimiter Gotscheff :
J’ai fait la connaissance de ce théâtre grâce à Benno Besson, qui mettait en scène certaines pièces de Molière, dont le Tartuffe, au moment où je suis arrivé en Allemagne de l’Est pour faire mes études. Comme Tchekhov ou Müller, il fait partie des auteurs qui m’accompagnent depuis longtemps. Molière et Müller ont en commun d’être des auteurs très subversifs. Cet esprit de subversion s’exprime principalement à travers leur goût pour la farce. Je crois que c’est pour cela que je m’intéresse aux comédies de Molière. Son langage est extrêmement précis : il s’en sert comme d’un scalpel pour disséquer le monde qui l’entoure.
 
Dans quelle mesure ce monde nous concerne-t-il encore aujourd’hui ?

D. G. :
Quelques siècles n’ont pas fondamentalement bouleversé la généalogie de l’homme. Ce qui m’intéresse, c’est la cellule familiale : en quoi consiste-t-elle, comment fonctionne-t-elle, qu’est-ce qui la maintient ? Chaque famille vit avec un secret enfoui dans ses bas-fonds, quelque chose qui la ronge.
 
« Molière se sert de son langage comme d’un scalpel pour disséquer le monde qui l’entoure. »
 
Tout le monde possède une sorte de « cassette » qui, comme celle d’Orgon — c’est l’interprétation que nous en faisons — contient un secret compromettant.
 
Quels enjeux dramaturgiques souhaitez-vous mettre en lumière à travers votre mise en scène ?

D. G. :
Outre la question de la cellule familiale, c’est sans doute la thématique religieuse qui importe aujourd’hui. Car, dans le Tartuffe, la foi se révèle être un phénomène hystérique, qui prend une certaine forme chez Orgon, une autre chez Madame Pernelle. La pièce dévoile un monde extrêmement creux, où la religion n’est qu’un masque. Et Tartuffe se sert de ce masque très consciemment. Mais nous avons souhaité attribuer une autre biographie à ce personnage : dans cette mise en scène, il vient de loin, du tiers-monde d’une certaine manière, et il va décomposer une famille qui, elle, représente le premier monde, le monde de l’abondance. C’est certainement une nouvelle lecture, mais nous ne l’avons pas simplement plaquée sur la pièce. Toute cette énergie criminelle, qui est le moteur de Tartuffe, nous a fait beaucoup réfléchir. La question qui se pose, à présent, est de savoir d’où vient cette pulsion, et ce que ce personnage recherche vraiment dans cet environnement social qui lui est étranger.
 
Entretien réalisé par Manuel Piolat Soleymat (traduction Barbara Engelhardt)


Der Tartuffe (spectacle en allemand surtitré), d’après Molière ; mise en scène de Dimiter Gotscheff. Du 8 au 10 février 2008.

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