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Christophe Rousset

Christophe Rousset - Critique sortie Classique / Opéra

Publié le 10 septembre 2011

Hercule mourant : tragédie méconnue, lyrique et pathétique

Avec son ensemble Les Talens lyriques et Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, Christophe Rousset interprète Hercule mourant (1761) dans le cadre des

« Grandes journées » consacrées cette année à Antoine Dauvergne.
« J’aime beaucoup partir de zéro, cela me laisse une liberté absolue et un vaste champ de création. » Christophe Rousset
 
 
Est-ce la première fois que vous abordez l’œuvre de Dauvergne ?
Christophe Rousset : Oui, grâce à la proposition du CMBV. Je connais bien les années 1760-1770. C’est une période que j’aime beaucoup, que j’ai beaucoup travaillée, tant pour l’opéra comique que pour la musique italienne. Ce qui m’a surpris, en travaillant la partition d’Hercule mourant, c’est que le traitement y est beaucoup plus pathétique que dans une tragédie de Rameau, l’œuvre est beaucoup plus baignée de tragique.
 
Comment cela se traduit-il ?
C. R. : Il s’agit surtout d’une profusion de récitatifs accompagnés. La référence absolue pour le tragique à cette époque est Lully, chez qui les récitatifs sont relativement réduits. En revanche, chez Leclair, qui a été le maître de Dauvergne, on a, avec Scylla et Glaucus, un exemple de tragédie très serrée, avec de grands effets dramatiques que l’on retrouve pour le rôle de Déjanire.
 
Comment travaillez-vous sur des œuvres « oubliées » comme celle-ci ?
C. R. : C’est un peu ma spécialité. J’aime beaucoup partir de zéro, cela me laisse une liberté absolue et un vaste champ de création. Cela a été le cas récemment, lorsque nous avons enregistré Bellérophon de Lully. Je suis alors obligé de m’improviser metteur en scène et dramaturge. C’est évidemment la même chose qui se passera avec Hercule mourant, dans la mesure où il s’agit d’une version de concert : il faudra faire vivre tout ça.
 
Quel est l’apport du CMBV ?
C. R. : Pour Hercule mourant, il s’agit vraiment d’une commande. Le centre s’est donc chargé entièrement de toute la partie éditoriale : travail musicologique, édition, matériel d’orchestre… En même temps, c’est une partition qui ne pose pas vraiment de problèmes, dans la mesure où elle nous est parvenue à travers une seule source. C’est assez simple, pour une fois.
 
Comment pérenniser ces découvertes ? Un enregistrement ou une reprise scénique sont-ils prévus ?
C. R. : Un enregistrement est prévu, d’autant que nous avons réuni une distribution brillante, avec des gens formidables comme Véronique Gens et Andrew Foster-Williams, qui ont des références dans ce répertoire – dans Rameau surtout. Quant aux projets scéniques, c’est souvent lorsqu’un disque existe qu’ils peuvent aboutir.
 
Allez-vous continuer à explorer ce répertoire méconnu ?
C. R. : C’est un filon que j’aime bien suivre : ce sont des trésors dormants pouvant offrir beaucoup de beauté. Il faut éclairer les œuvres connues à la lumière d’œuvres mineures – peut-être -, mais qui ont eu l’effet d’une bombe et ont pu influencer l’histoire de la musique. La tragédie aura une suite, quelques années plus tard, avec Gluck, qui donnera un autre souffle à l’opéra français. Chez Dauvergne, on est encore très clairement dans une recherche ramiste, dans une tradition qui finalement s’éloigne encore peu de Lully. Hercule mourant, c’est un peu le dernier exemple d’une tragédie lyrique à la Rameau.
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun


Hercule mourant, d’Antoine Dauvergne, livret de Jean-François Marmontel. Samedi 19 novembre à 20h à l’Opéra royal de Versailles.

A propos de l'événement



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