La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -186-tmplus

Laurent Cuniot et Maryline Desbiolles

Laurent Cuniot et Maryline Desbiolles - Critique sortie Classique / Opéra
Crédit : Christophe Alary Légende : « Laurent Cuniot, compositeur, chef d'orchestre et directeur artistique de TM+ » Crédit : J. Foley Légende : « Maryline Desbiolles signe son premier livret d'opéra »

Publié le 10 mars 2011

Correspondances et résonances

Laurent Cuniot, compositeur et directeur artistique de l’ensemble TM+, et Maryline Desbiolles, écrivain, prix Fémina en 1999 pour son roman Anchise, évoquent leur travail commun sur l’écriture de ce nouvel opéra.

Des pétales dans la bouche est-il votre premier travail sur un ouvrage lyrique ?
Laurent Cuniot : Oui et non. En 1987, j’avais composé un opéra de chambre, Cinq pièces pour Hamlet, s’appuyant sur la traduction que Michel Vittoz avait faite de la pièce de Shakespeare pour Daniel Mesguich. L’œuvre avait alors été présentée en version « mise en espace ». Cependant, Des pétales dans la bouche est mon premier travail lyrique d’envergure.
Maryline Desbiolles : C’était inédit pour moi, même si c’est une chose à laquelle je pensais. Cela ne m’a pas paru étrange quand Laurent a eu l’idée de me demander un livret. J’ai alors écouté sa musique, qui m’a plu.
 
Comment cette rencontre s’est-elle faite ?
L. C. : C’est parti d’une discussion avec Bruno Messina, alors directeur de la Maison de la musique, qui souhaitait accueillir un projet lyrique. Dès le départ, mon choix s’est porté sur un monodrame, un opéra à une voix. C’est à mon avis la forme qui permet le mieux de faire se rencontrer poésie, dramaturgie et musique. Je cherchais une langue qui réponde à ce bel équilibre. Bruno m’a proposé plusieurs auteurs et dirigé vers Maryline Desbiolles. En lisant son roman Anchise, j’ai trouvé la langue et l’imaginaire forts qui me convenaient.
M. D. : Mon travail est très proche de la poésie, je suis toujours à la recherche du mot juste. Ce qui importe dans un texte – en tout cas dans ce que j’écris – c’est sa musique. C’est pourquoi j’ai tout de suite eu le sentiment qu’on allait s’accorder.
 
« Je cherchais une langue qui réponde à ce bel équilibre entre poésie, dramaturgie et musique. »
Laurent Cuniot
 
« J’ai écrit pour Sylvia Vadimova, en pensant à sa personnalité, à sa voix, sa drôlerie, sa pétulance… » Maryline Desbiolles
 
Comment le travail d’écriture s’est-il déroulé ?
M. D. : J’ai d’abord eu beaucoup de difficultés. J’étais sans armes et je ne savais pas où aller. En général, quand je commence un roman, je sais que je le finirai. Là, j’ai failli arrêter. Puis, au cours d’un déjeuner, alors que Laurent me parlait de Sylvia Vadimova, j’ai compris quelque chose qui m’a débloquée. J’ai alors écrit pour elle, en pensant à sa personnalité, à sa voix, sa drôlerie, sa pétulance…
L. C. : Mettre en musique une écriture est toujours une question complexe ; il y a un espace à trouver. C’est ce qu’a fait Maryline en tirant le fil du personnage de Sylvia : une femme à la recherche de sa voix perdue. À partir de là, je ne lui ai quasiment rien fait changer de son texte.
 
Ce travail « à quatre mains » a-t-il modifié votre façon d’écrire ?
L. C. : C’est toujours un peu dangereux car, forcément, la langue réveille une forme de sensibilité que le compositeur doit s’approprier. Le texte provoque des couleurs, des gestes instrumentaux, mais il faut se nourrir de l’extérieur sans se laisser dépasser.
M. D. : On ne sort pas de cette expérience indemne et c’est ce qui est excitant. Même si je n’ai pas écrit sur la musique – puisque Laurent a composé après l’écriture du livret – j’ai écrit avec la musique, avec en tête la voix et le personnage de Sylvia.
 
Dans un tel opéra à une voix, le personnage ne tend-il pas à devenir une sorte d’allégorie ?
L. C. : Je fais tout pour que ce soit un personnage en chair et en os auquel on s’attache, et les thèmes évoqués sont bien sûr universels : le désir, la sexualité, la mort, l’identité, le rapport à l’autre…
M. D. : Le personnage, ici, c’est la voix incarnée de Sylvia. J’avais écrit par le passé des « monologues à plusieurs voix » pour la radio. Or, c’est bien ainsi que je vois Sylvia : une femme qui en est plusieurs, une femme avec plusieurs chants. Cela m’a libérée du caractère quelque peu monolithique du monodrame.
 
Dans quel état d’esprit attendez-vous la création de l’œuvre et sa mise en scène ?
L. C. : Je connais Philippe Mercier depuis 1993. Nous nous sommes rencontrés – ainsi que Sylvia – lors de la création de Léone de Philippe Mion. Pour Des pétales dans la bouche, il s’agissait avant tout d’une correspondance entre l’auteur, l’interprète et le compositeur. Philippe n’est pas intervenu au moment de l’écriture et il aura toute liberté pour mettre en scène.
M. D. : Je « vois » mon texte et j’aurais, je pense, des idées de mise en scène. Quand Jacques Laurent a adapté et mis en scène mon roman Aïzan, il a tiré parti du peu que je lui ai dit. Pour Des pétales dans la bouche, Philippe Mercier préfère avoir une certaine distance. Je découvrirai donc la musique et la mise en scène au moment des répétitions. Pour l’instant, ce qui prime, c’est la curiosité. Cette histoire, c’est une histoire de confiance.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun

A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur la musique classique

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Classique / l'Opéra