CHRISTOPH ESCHENBACH
AUDACE ET EXIGENCE
DEPUIS 2000, CHRISTOPH ESCHENBACH A CONTRIBUÉ SANS RELÂCHE À
AFFINER LA QUALITÉ ARTISTIQUE DE LA PHALANGE PARISIENNE, REGRETTANT
TOUTEFOIS DE NE POUVOIR BÉNÉFICIER AVEC SES MUSICIENS D’UN NOUVEL
AUDITORIUM, PRÉVU POUR 2012. RENCONTRE AVEC UN CHEF QUI SE VOUE
TOTALEMENT À LA MUSIQUE, PRÔNANT AUSSI BIEN DE GRANDS SPECTACLES
QUE DES DÉCOUVERTES INÉDITES.
Vous dirigez l’Orchestre de Paris depuis sept ans. Comment abordez-vous le travail avec cette formation que vous connaissez désormais très bien ?
Christoph Eschenbach : Il faut continuer à développer les qualités de l’orchestre. Cette saison, avec le retour à la Salle Pleyel rénovée, les fruits de notre travail sont déjà perceptibles, le son de l’orchestre a pu se stabiliser.
L’un des événements de la saison sera la Symphonie « des mille » de Mahler. Est-ce un projet que vous avez particulièrement à coeur ?
C. E. : Je souhaitais diriger l’ensemble des symphonies de Mahler, ce que je ferai avec l’orchestre d’ici 2010, année du centenaire de la mort du compositeur. La Huitième est une oeuvre particulière, en ce sens qu’elle fait exploser le cadre habituel de la salle de concert. À Bercy, ce sera un grand spectacle qui réunira presque le nombre d’exécutants voulu par Mahler, avec des choeurs venus de Londres et de Vienne. Et l’orchestre sera complété par de jeunes musiciens de l’Académie de l’Orchestre de Paris. Jouer l’oeuvre dans un tel cadre soulève bien sûr des difficultés techniques – de sonorisation en particulier – mais c’est un défi qui en vaut la peine. Cela permettra, je pense, d’atteindre un public plus jeune, comme récemment au Louvre à l’occasion de la fête de la musique : le public était absolument merveilleux, silencieux, fasciné.
« La Symphonie “des mille” de Mahler : un défi qui en vaut la peine. »
Vous dirigez cette saison des oeuvres relativement rares, comme celles d’Hindemith par exemple.
C. E. : Hindemith est un compositeur de très haute qualité mais trop méconnu. Je dirigerai sa Symphonie en mi bémol juste après le Concerto pour violon de Korngold, un autre compositeur chassé d’Europe par le nazisme. Ces souffrances politiques exprimées par la musique seront l’un des thèmes de la saison. De ce point de vue, le chef John Axelrod dirigera un programme très intéressant comprenant la Symphonie « Kaddish » de Bernstein, une oeuvre de révolte contre l’Holocauste, dont la portée est très actuelle. Ceci est bien dans le tempérament de Bernstein, qui était véritablement un homme politique. Aujourd’hui, il serait monté sur les barricades contre Bush…
Plusieurs compositeurs vivants sont également au programme.
C. E. : François Habeneck faisait de même quand il dirigeait Beethoven au début du XIXe siècle ! Je suis très heureux de pouvoir présenter un cycle de quatre concerts avec et autour de Pierre Boulez, où sa musique sera confrontée à celle de Berg et Webern, mais aussi à celle de Bach orchestrée par de jeunes compositeurs. Nous avons également passé une commande à la compositrice américaine Augusta Read Thomas, qui a travaillé avec Pierre Boulez, et à la Finlandaise Kaija Saariaho.
Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun