La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -170-odeon

Christian Schiaretti

Christian Schiaretti - Critique sortie Théâtre
photo: Christian Schiaretti

Publié le 10 septembre 2009

Le langage comme lieu du tragique

Christian Schiaretti met en scène Laurent Terzieff dans Philoctète, œuvre de Sophocle dont il a confié la réécriture au poète Jean-Pierre Siméon. Un rendez-vous incontournable.

Vous dites de Philoctète qu’elle est une tragédie atypique. Pourquoi ?
Christian Schiaretti : On peut même aller jusqu’à suspecter son attribution tragique. Dans sa structure, sa thématique, ses référents, sa situation, Philoctète est atypique et étrange. D’abord parce que c’est une tragédie d’hommes. Ensuite parce qu’elle se termine bien et qu’elle n’est pas traversée par des conflits irréductibles. Et aussi parce qu’elle est pétrie d’humour, d’absurde et de cocasse.
 
Où est le tragique alors ?
C. S. : Dans le langage. Sophocle écrit à la période où triomphe la sophistique. Presque toutes les répliques sont à double entrée. Il n’y a pas de résolution du sens, comme si le langage, dans une ambivalence constante, n’était plus le lieu d’une affirmation possible. Le tragique est dans la langue car dès qu’elle est produite, la vérité est mensonge. Elle est sirène.
 
« Pourquoi Terzieff ? La question ne se pose pas : il est Philoctète. »
 
Qui est Philoctète ?
C. S. : Philoctète est l’homme auquel le vice a fait mal. Piqué par un serpent, taraudé par la douleur et la gangrène, abandonné par ses compagnons, il maudit les hommes et les dieux. Il y a chez lui une sorte d’anarchisme fondamental. La sauvagerie le remet dans un état animal premier, rétif, blasphématoire, dans le ressassement de sa quête de vertu. On l’a exilé et il n’est plus question qu’il retourne au combat : il est condamné à la sédition dans son propre mémorial. Face à lui se tient Ulysse, dans le pragmatisme de la fonction qui sait les nécessités du recours au mensonge et la nécessaire oblitération de la rancune qui ne peut pas être un moteur politique. Les allers-retours entre eux se font jusqu’à l’équilibre.
 
Pourquoi Terzieff en Philoctète ?
C. S. : Terzieff a un statut particulier dans la cosmogonie théâtrale contemporaine. Terzieff, c’est Pitoëff, la mythologie des Tricheurs, celle d’une jeunesse révoltée et belle. Terzieff, c’est aussi l’isolement d’une compagnie poursuivant une œuvre radicale qui ne doit rien à personne. Dans la lecture qu’a le public de sa radicalité, il y a du mythique et cet isolement qui fait sa grandeur. En cela, il est évident en Philoctète, dans la noblesse et la fragilité. Pourquoi Terzieff ? La question ne se pose pas : il est Philoctète.
 
Propos recueillis par Catherine Robert


Philoctète, de Jean-Pierre Siméon d’après Sophocle ; mise en scène de Christian Schiaretti. Du 24 septembre au 18 octobre 2009 au Théâtre de l’Odéon.

A propos de l'événement



x

Suivez-nous pour ne rien manquer sur le Théâtre

Inscrivez-vous à la newsletter

x
La newsletter de la  Terrasse

Abonnez-vous à la newsletter

Recevez notre sélection d'articles sur le Théâtre