La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Focus -156-beethoven

Bernard Fournier

Bernard Fournier - Critique sortie Classique / Opéra
photo: Bernard Fournier

Publié le 10 mars 2008

Un regard musicologique et sensible

Le musicologue Bernard Fournier est le spécialiste français du quatuor à cordes. Son ouvrage, L’histoire du quatuor à cordes (Fayard) fait figure de référence. Avec le Quatuor Modigliani, il donnera un concert-lecture au musée d’Orsay.

Quelle place occupent les quatuors de Beethoven dans l’évolution de cette forme instrumentale ?
 
Bernard Fournier : C’est l’Himalaya du Quatuor à cordes. Beethoven a intégré les traits généraux de la musique du XVIIIème siècle : ceux de Haydn pour l’architecture et ceux de Mozart pour le sens du dialogue instrumental. Mais en même temps, il frémit déjà de la musique de Bartok et même de Boucourechliev, Nono ou Ligeti, car ses quatuors ont apporté l’éclatement des formes et ont engendré des sonorités nouvelles. Le génie de Beethoven est d’intégrer dans ses quatuors le passé et l’avenir.
 
Parmi les quatuors écrits par Beethoven, lequel retient le plus votre attention ?
 
B.F. : Le chef-d’œuvre, pas seulement du quatuor mais de l’histoire de la musique, c’est sans conteste le Quatuor n°14 opus 131. Sa forme comprend sept mouvements enchaînés sans interruption, où le discours s’organise brillamment à partir de la fugue initiale. Chaque variation crée un microcosme, avec son propre tempo, son propre caractère. Le paradoxe est d’avoir l’impression que l’œuvre est éclatée alors qu’il y a une grande unité formelle. Wagner, puis Sartre et aujourd’hui Kundera placent d’ailleurs ce quatuor au sommet de leur panthéon.
 
Que recommandez-vous aux musiciens qui interprètent les quatuors de Beethoven ?
 
B.F. : Dans ce répertoire, le quatuor doit avoir une palette très riche de couleurs. Le son doit pouvoir être tout à la fois profond, scintillant et incisif. Il est également essentiel que les interprètes aient conscience de l’architecture des œuvres. Par ailleurs, Beethoven introduit de façon très nette les contrastes de nuances. Il y a parfois un changement de dynamique par temps. Il faut respecter cela à la lettre. Ce qu’on peut regretter aujourd’hui, c’est que beaucoup d’ensembles nivellent le discours et tirent ces quatuors vers le XVIIIème siècle.
 
« Le génie de Beethoven est d’intégrer dans ses quatuors le passé et l’avenir. »
 
Quelles sont vos versions de référence ?
 
B.F. : Aucune version ne rend totalement justice à l’ensemble des quatuors de Beethoven. Il faut donc grappiller ici ou là. Pour les derniers quatuors, j’opte pour le Quartetto Italiano, qui prend le risque de choisir des tempi lents. Les enregistrements du Quatuor Vegh sont très intéressants au niveau du phrasé, mais malheureusement le violoniste Sandor Vegh était très âgé et donc techniquement fragile. Dans la jeune génération, j’aime bien le Quatuor Artemis, même s’il cède parfois à la folie des tempi rapides.
 
Propos recueillis par Antoine Pecqueur


Concert-lecture dimanche 16 mars à 11h au musée d’Orsay. Entrée libre.

A propos de l'événement



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