La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Fin de partie

Fin de partie - Critique sortie Théâtre
Photo : Clov (Charles Berling) et Hamm (Dominique Pinon) enchaînés à l’existence.

Publié le 10 novembre 2008

Avec une juste conviction, Charles Berling livre une Fin de partie funèbre, plus naturaliste qu’existentielle dans laquelle les aigreurs du quotidien annulent à l’extrême de rares effluves poétiques.

« La fin est dans le commencement et cependant on continue » : finir, en finir, il faut en finir. Hamm – dans cette Fin de partie beckettienne (1956) signée Charles Berling – hésite à clore son aventure humaine comme à mettre un point au roman qu’il rédige. Dénouer son propre drame, rien n’est plus difficile à l’homme, et la nature a particulièrement oublié non seulement le vindicatif et amer Hamm qu’interprète Dominique Pinon, mais son comparse de scène Clov, fils, secrétaire et esclave, joué en toute soumission par Berling. Bien qu’aveugle et paralytique, condamné au fauteuil roulant, Hamm fait figure de roi déchu et de tyran dans sa chambre-refuge, un cabanon dont une porte mène à la cuisine et qui ouvre sur deux lucarnes élevées et opposées, l’une plongeant sur la mer l’autre sur la terre. Les didascalies de Beckett ne sauraient être bousculées. Clov, traînant sa défroque courbée, monte sur son escabeau, armé d’une lunette ; il observe la grisaille lumineuse et en dresse le tableau à son interlocuteur suspicieux. Autrefois, le valet aimait le maître : la souffrance a fait perdre cet amour. Pardon, dit l’ogre.

Le regard sur la pièce souffre d’un naturalisme marqué

Que se passe-t-il à présent ? Quelque chose suit son cours hors de toute signification, c’est le leitmotiv beckettien résonnant dans le néant du monde et égrenant répétitions et échos dans des silences lourds. Les souffrances et les misères s’équivalent, qu’on soit enfant ou parent, hier comme aujourd’hui. Père et mère se tiennent aux côtés de Hamm, des morceaux d’humanité vieillis et méprisés dont une poubelle fait l’habitacle et la survie. Se lève parfois un couvercle pour laisser surgir un geste menaçant d’imploration vaine. Un chien en peluche est l’animal domestique et l’instrument de torture. L’infini du vide autour de soi, voilà la seule certitude. L’action dramatique, tel un fantôme dans cette absence d’horizon, se réduit au mouvement esquissé de Clov à vouloir quitter Hamm : « Quand je tomberai, je pleurerai de bonheur ». Les acteurs sont intenses de vérité, Pinon dans l’agressivité acariâtre et Berling dans l’humilité velléitaire. Le point de vue sur la pièce souffre d’un naturalisme marqué, ambiance contemporaine de la première décennie du vingt-et-unième siècle. C’est la violence des relations familiales et sociales dans la crudité des moues – raclements de gorge, bâillements lascifs et grognements autoritaires -, dans l’incivilité des injures et la cruauté mauvaise des propos insultants. Le rire du malheur est bien jaune à ras de terre sans un ciel d’espoir par-dessus le toit.

Véronique Hotte


Fin de partie

De Samuel Beckett, mise en scène de Charles Berling, avec la collaboration de Christiane Cohendy, à partir du 23 septembre 2008, du mardi au samedi 21h, matinées samedi et dimanche 16h au Théâtre de l’Atelier 1 place Charles Dullin 75018 Paris Tél : 01 46 06 49 24 www.atelier.com

A propos de l'événement


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