La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Feux

Feux - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Elisabeth Carecchio Légende photo : « Dominique Reymond et Mathieu Montanier dans Feux. »

Publié le 10 novembre 2008

Rudimentaire, La Fiancée des landes, Forces : sous le titre de Feux, Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma réunissent trois textes de l’auteur allemand August Stramm. Un triptyque inégal au sein duquel Dominique Reymond s’illustre dans un élan de théâtre à couper le souffle.

Une forme de conformisme et un certain manque d’amplitude pèsent sur les deux premières parties de Feux, triptyque théâtral présentant trois pièces brèves d’August Stramm (1874-1915). Trois pièces aux inspirations stylistiques distinctes – réalisme social, symbolisme, expressionnisme -, mais traitant d’un même maelström de problématiques humaines : le désir, l’ « être à deux », la solitude, les élans pulsionnels, le besoin de possession, l’enfermement psychique, l’inquiétude intime…. L’impression est étrange : en dépit des belles prestations des comédiens (Axel Bogousslavsky, Jean-Louis Coulloc’h, Julie Denisse, Mathieu Montanier et Dominique Reymond), un sentiment de déjà vu court tout au long de Rudimentaire et de La Fiancée des landes. Comme si la mise en scène de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, usant d’images scéniques toutes faites, nous maintenait en surface des enjeux piquants et graves parcourant les deux premiers textes de l’auteur allemand.
 
Le saut dans le vide d’une comédienne d’exception               
 
Il faut donc patienter jusqu’au commencement de Forces (à mi-parcours d’une représentation de 1H55) pour assister au grand éclat de ce spectacle : Dominique Reymond – traversée par les influx saccadés et expressionnistes d’August Stramm – s’élançant dans une performance à couper le souffle. A la fois concrète et mystérieuse, d’une précision et d’une profondeur éclatantes, elle sculpte une figure de femme brûlante, anguleuse, forcenée. Une femme majestueuse et instable, sur laquelle repose quasi exclusivement cette troisième pièce, que la comédienne investit en explosant les cadres habituels de l’incarnation dramatique. Car celle qui fit ses débuts auprès d’Antoine Vitez réalise, dans Forces, un véritable saut dans le vide. Un saut d’une grande audace, d’une aisance inouïe. Voir une artiste se mettre en danger de la sorte, atteindre un tel niveau d’investissement et de singularité, est une expérience saisissante. Il ne faut pas manquer cet élan de théâtre rare, précieux. Témoignant de l’exigence et de la virtuosité de l’une de nos grandes comédiennes, il justifie à lui seul l’ensemble de la représentation.
 
Manuel Piolat Soleymat


Spectacle vu lors de sa création, en juillet 2008, au Festival d’Avignon. Feux (Rudimentaire, La Fiancée des landes, Forces), d’August Stramm ; texte français de Huguette et René Radrizzani ; mise en scène, lumières et scénographie de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma. Du 27 novembre au 20 décembre 2008. Les lundis, mardis et vendredis à 20h00, les jeudis et samedis à 19h00 (sauf le jeudi 27 novembre, à 20h00), les dimanches à 17h00. Relâche les mercredis. Théâtre de la Cité Internationale, 17, bd Jourdan, 75014 Paris. Réservations au 01 43 13 50 50. Reprise au Théâtre National de Toulouse, du 8 au 10 janvier 2009 ; au Nouveau Théâtre d’Angers, les 4 et 5 février.

A propos de l'événement


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