« Face de cuillère » de Lee Hall dans la mise en scène de Laurent Laffargue
Seule sur scène, Déborah Joslin incarne Face [...]
Avignon 2023 - Théâtre - Critique
Apprendre, comprendre, aimer, explorer les possibles, se heurter à la réalité, se résoudre au deuil, essayer, rater, rater encore et essayer toujours : Pauline Bayle explore le difficile métier de vivre, entre incertitude et chaos.
Pauline Bayle puise dans l’œuvre de Virginia Woolf pour raconter le destin d’une bande d’amis, entre éblouissement de l’enfance et désenchantement de l’âge adulte. Le public est accueilli dans la salle à grand renfort de citronnade et de confidences exaltées. On est convié à la fête donnée en l’honneur de Jacob, qui revient de guerre, et pour lequel on a préparé un banquet, des discours et une chanson reprise des Beatles, qui l’invite, comme dans Hey Jude, à laisser entrer dans son cœur les paroles d’une chanson triste pour la transformer en force de vie. Le cloître des Carmes évoque l’abbaye de Thélème, où des optimates bien nés peaufinent leur formation, ou celle de Cauterets, où Marguerite de Navarre réunit des amis éloquents pour tromper l’ennui du confinement. On pense évidemment à la récente pandémie, qui a réduit les artistes au silence et la population à l’introspection : entre l’angoisse de vivre et la peur de mourir, que faire de nos vies ?
Lost in translation
Sur l’océan déchaîné, seul résiste le frêle esquif de l’amitié. Nora (Hélène Chevallier), Tristan (Guillaume Compiano), Judith (Viktoria Kozlova), David (Loïc Renard), George (Jenna Thiam) et Céleste (Charlotte van Bervesselès) attendent Jacob, sorte d’idéal du moi. Il cristallise à la fois les pulsions positives des personnages et leur fantasme de toute-puissance infantile. Mais Jacob, à l’instar de Godot, ne vient pas, ou plutôt, rentre pour mourir. Après, il faudra faire sans, c’est-à-dire, comme toujours, faire avec, nonobstant ceux qui croient que le deuil est surmontable… Les comédiens réunis par Pauline Bayle sont poignants dans leurs envolées lyriques et leurs incertitudes, leurs logorrhées et leurs difficultés à fonder leur identité, entre atermoiements existentiels et impossibilité à se reconnaître dans le regard de l’autre. Si Pauline Bayle, avec ce spectacle, vise à dresser le portrait d’une époque et d’une génération, force est d’admettre qu’entre douceur et douleur, fragilité des engagements et amertume du punch, le vague à l’âme domine. Le monde ne va pas bien. Le théâtre nous alerte. Si la littérature ne suffit pas à nous en consoler, peut-être alors faudra-t-il agir. En cela, le spectacle de Pauline Bayle pourrait être vu comme un appel aux retrouvailles avec le politique.
Catherine Robert
à 22h ; relâche le 11. Tél. : 04 90 14 14 14. Durée : 2h.
Seule sur scène, Déborah Joslin incarne Face [...]
Cette mise en scène de l’une des pièces [...]
Après Le Petit chaperon rouge, l’auteur, [...]