Le Chagrin
Après avoir enflammé public et critique avec [...]
José Pliya adapte et met en scène le roman de Carole Martinez, confiant à l’émouvante Valentine Krasnochok le rôle d’Esclarmonde, sainte et martyre incandescente. Un très beau spectacle.
Couronné par le Prix Goncourt des lycéens en 2011, le roman de Carole Martinez a connu un franc succès public et a installé son auteur dans l’estime de ses pairs et des critiques. José Pliya a choisi de l’adapter sous la forme d’un monologue très réussi, qu’interprète Valentine Krasnochok avec un indéniable talent. Teint pâle et cheveux blonds ondulés, bouche petite et sourcils épilés, longs yeux noirs et front haut : la comédienne ressemble à la jeune femme peinte par Petrus Christus ou aux vierges de Memling. Mais derrière cette beauté de lys, se cache un tempérament de feu. La comédienne joue très habilement des contrastes entre sa figure angélique et la force de ses gestes pour camper la mystérieuse Esclarmonde, retirée du monde pour mieux l’éclairer. La pucelle de quinze ans, promise à Lothaire-le-brutal, refuse l’union avec ce soudard paillard et violent. Le jour de ses noces, elle se tranche l’oreille devant l’autel, réclamant d’être emmurée vivante pour échapper à la prison d’un hymen imposé. Avant de l’enfermer dans le sépulcre qu’elle réclame, le châtelain du domaine des Murmures viole sa fille qui s’est refusée aux hommes pour se donner à Dieu.
Le chemin de croix après la mise au tombeau
Neuf mois après, naît Elzéar, fruit de la transgression monstrueuse et objet de la dévotion populaire qui, naïvement, confond la recluse avec Marie et le fruit de ses entrailles avec un miracle de saint augure, protégeant la contrée et les récoltes. Vierge sage et vierge folle, souffle adonnant et refusant, Esclarmonde est une force tout en contraste. La comédienne réussit à se faire agnelle et louve, mère sensuelle en son giron et furieuse quand on la prive de son petit, vivant de brouet et d’amour et dormant sur la pierre froide de la cellule dont elle a fait sa tombe anticipée. Le décor se réduit à une lampe à huile et un lit de cailloux. Valentine Krasnochok utilise le micro pour moduler tour à tour les soupirs de la sainte et les cris de la possédée, les illuminations de la visionnaire et les extases de la mystique. La musique d’Hildegarde de Bingen illustre magnifiquement ces tiraillements entre Dieu et le démon dont l’âme d’Esclarmonde est le théâtre ; la création sonore de Jordan Allard et les lumières de Philippe Catalano complètent habilement le tableau de la vierge au bûcher de l’inceste. José Pliya et les siens offrent, avec ce spectacle, un très beau moment de théâtre, captivant et palpitant.
Catherine Robert
Du 5 mai au 12 juillet 2015 ; du mardi au samedi à 19h ; dimanche à 17h30. Tél. : 01 45 44 50 21. Durée : 1h15.
Après avoir enflammé public et critique avec [...]