Thierry Roisin / Les derniers instants d’Alexandre le Grand
Avant d’achever son mandat à la tête de la [...]
Après avoir créé Doute au festival Off d’Avignon en 2012, Emilie Chesnais, Elphie Pambu, Josiane Stoléru et Robert Bouvier reprennent la pièce de John Patrick Shanley au Théâtre du Petit Hébertot. Un spectacle implacable et efficace, qui creuse la question du doute et de la culpabilité.
Il y a Sœur Aloysius (Josiane Stoléru), la directrice autoritaire et conservatrice d’une école catholique new-yorkaise, dans les années 1960. Il y a le Père Flynn (Robert Bouvier, qui signe également la mise en scène), un prête exerçant depuis peu son ministère dans cette institution scolaire, homme qui défend la voie d’une religion ouverte et progressiste. Il y a également Sœur James (Emilie Chesnais), une jeune enseignante passionnée par son métier à qui sa supérieure reproche d’être trop tendre et trop compréhensive avec les élèves. Enfin, il y a Mme Muller (Elphie Pambu), la mère du seul enfant noir de l’établissement que la directrice convoque pour lui confier ses doutes quant à une éventuelle relation intime entre le Père Flynn et son fils. Sans posséder la moindre preuve, Sœur Aloysius en vient à se persuader de la culpabilité du prêtre. Elle se lance dans une croisade acharnée contre lui, demandant à sa subordonnée de l’aider à mettre en cause celui qui devient, pour elle, un ennemi personnel.
Entre conviction intime et incertitude
En 1h30, le quatuor théâtral élaboré par l’auteur américain John Patrick Shanley tisse les fils d’une joute psychologique implacable. Sans une réplique de trop, telle une flèche suivant la ligne tendue de sa trajectoire, Doute déploie une suite d’argumentations et de questionnements qui restent en suspens, ne résolvant jamais la question de la culpabilité ou de l’innocence du Père Flynn. Au-delà même de cette énigme particulière, chaque spectateur est amené à s’interroger sur les notions d’évidence, d’incertitude, de présomption d’innocence, sur le processus complexe qui nous amène à nous forger une conviction intime. Et une fois cette conviction forgée, quelle place laisser au doute ? Dans une mise en scène simple et efficace, qui s’offre comme une caisse de résonnance à toutes ces réflexions, les quatre comédiens créent des moments de jeu inégaux. Pourtant, et c’est la force de l’œuvre de John Patrick Shanley, l’histoire nous tient. De bout en bout. Gagnés à la cause de cette intrigue quasi policière, nous glissons, lentement mais sûrement, dans les anfractuosités et les zones troubles de nos consciences.
Manuel Piolat Soleymat
Avant d’achever son mandat à la tête de la [...]