La Terrasse

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Théâtre - Critique

Dom Juan ou le Festin de pierre

Dom Juan ou le Festin de pierre - Critique sortie Théâtre Paris Comedie française-Théâtre du Vieux-Colombier
Crédit photo : Brigitte Enguérand Légende : « Dom Juan (Loïc Corbery) et Elvire (Suliane Brahim) dans Dom Juan. »

Théâtre Éphémère-Comédie-Française/ de Molière / mes / Jean-Pierre Vincent

Publié le 1 octobre 2012 - N° 202

Avec Loïc Corbery en jeune loup élégant, Jean-Pierre Vincent radicalise le grand seigneur méchant homme, confiant, cinglant, en avance sur son temps.

Libertinage galant – il passe de son épouse aux jeunes paysannes – et libertinage d’esprit – il condamne la religion et la médecine -, il abuse de la croyance du Pauvre, il se moque du recueillement dû au Gouverneur qu’il a tué, il profite de l’humilité du créancier comme il ignore le respect dévolu au père : le personnage hérétique du Dom Juan (1665) de Molière milite pour une libre-pensée instinctive plutôt que raisonnée. La recherche du désir chez cet « épouseur à toutes mains » le mobilise, précédant la discussion philosophique qui s’apparenterait plutôt à de l’indifférence ou au mépris pour un monde décevant. La prière ne sert à rien, si l’on veut consommer les biens d’ici-bas qui seuls comptent. Le cynique Dom Juan revient à sa nature en méprisant effrontément les conventions sociales, l’opinion publique et la morale admise, ce qui ne l’empêche pas de douter. Si les hommes sont sots et crédules, autant se faire hypocrite et simuler la foi chrétienne, les dévots en seront éblouis. Comme la leçon d’arithmétique donnée en pâture à Sganarelle : « Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit », Jean-Pierre Vincent se veut efficace et réussit. Loïc Corbery est le séducteur, un gringalet qui assume une détermination hors du commun, sûr de lui, hautain, arrogant, mobile à l’extrême.

Décor lumineux de ciel italien

L’acteur porte la rhingrave des années 1680 car il est fort en avance sur son temps. Le costumier Patrice Cauchetier a dessiné cette sorte de jupe-culotte garnie de dentelles et de boucles de ruban abondantes. Des souliers de cour et un chapeau empanaché de plumes ponctuent la touche finale. On assiste à un défilé de mode, soieries et étoffes moirées, d’autant que le costume de valet de Sganarelle est pareillement somptueux. Si l’on veut une vie pleine, il faut faire vite et bien dans un décor de lumières de ciel italien, un paysage pastoral juste entrevu avec des pins parasols renversés et des vestiges d’architecture antique, des bribes de galets de plage et une jolie barque verte pour faire rêver les jeunes filles du bord de mer. Au centre, mobile et immense, un panneau rouge sombre en guise de tombeau funéraire, une menace perceptible. Elvire, que joue Suliane Brahim, pantalon rouge feu et cheveux libres, est une figure vengeresse, port de tête altier et invective acérée. Elle défend rageusement la cause réactualisée des femmes humiliées. Serge Bagdassarian en Sganarelle donne de la tournure au serviteur, belle voix forte et timbrée. À sa mort, Dom Juan se relève et quitte la scène avec son valet en courant. Pour le droit inaliénable des victimes des fanatismes religieux à se relever.

Véronique Hotte

A propos de l'événement

Dom Juan ou le Festin de pierre
du mardi 18 septembre 2012 au dimanche 11 novembre 2012
Comedie française-Théâtre du Vieux-Colombier
Jardins du Palais-Royal 75001 Paris.

Jardins du Palais-Royal 75001 Paris. Du 18 septembre au 11 novembre 2012. Tél : 0 825 10 1680 (0,15 euro la minute). Durée : 2 h 45
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