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Hugo Givort réussit un coup de maître avec sa première mise en scène, offrant une lecture politique ultra intelligente de la pièce de Michel Vinaver, servie par d’excellent comédiens. Belle découverte !
On est en 1978. Sous Giscard, pour encore trois ans. Balavoine chante « Quand on arrive en ville », ode à une jeunesse rebelle descendant des dortoirs de la zone pour terrifier les bourgeois du centre. L’ennui du métro-boulot-dodo s’impose à ceux qu’on appelle toujours prolétaires, puisqu’on n’a pas encore effacé les ouvriers de la nosographie sociale : la classe laborieuse est toujours dangereuse. Philippe est un de ces enfants de la crise. Fils d’Hélène, l’employée un peu trop sage qui tâche de maintenir vaille que vaille sa dignité menacée par le chômage, il consent de mauvais cœur à rentrer dans le rang et à quitter la musique de ses disques pour le bruit de l’usine. Un théâtre ancré dans le quotidien : Michel Vinaver revendique cette manière de faire, ajoutant que c’est peut-être là « la forme de subversion adaptée aux formes d’oppression d’aujourd’hui ». Un demi-siècle après que la pièce a été écrite, Hugo Givort réussit brillamment à prouver sa force séditieuse, avec une efficacité tout en élégance. La suggestion l’emporte avec éclat sur la démonstration, actualisant le texte sans le moderniser, l’universalisant sans l’assécher. Les costumes de Dominique Bourde soutiennent intelligemment ce mouvement : les personnages peuvent être nos contemporains puisqu’ils ne sont pas des caricatures de la fin des seventies.
Éternel retour
Judith D’Aleazzo et Pablo Cherrey-Iturralde campent un couple oedipien qui s’aime en se déchirant et que l’augmentation du nombre de familles monoparentales a aujourd’hui rendu courant. Les deux comédiens sont excellents : elle, en mère qui n’a pas encore complètement fait le deuil d’être femme, même si les soucis l’accablent, lui en adolescent sautillant, qui hésite entre sortir avec sa mère pour l’emmener au cinéma ou la quitter. Là encore, notre époque de Tanguy accrochés au nid confirme la prescience de Vinaver. Philippe semble s’assagir et accepter la rude loi du travail. Il faut bien gagner son pain et mettre au pot commun, désormais que « la bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité qui recouvrait les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent », comme disait Marx. Mais au lieu de se faire ouvrier, Philippe s’héroïse en mauvaise garçon. Un an après l’écriture de Dissident il va sans dire, Jacques Mesrine sera assassiné… On pourrait ne voir dans la pièce de Vinaver qu’une variation sur le thème des relations difficiles entre les générations, ce que, d’ailleurs, les deux comédiens illustrent parfaitement. Ce serait oublier que la figure individuelle se détache toujours d’un fond politique et collectif. Voilà où Hugo Givort excelle, en créant un environnement vidéo absolument génial, qui opère des crases historiques jouissives. Christine Ockrent et le journal télévisé qui montre froidement l’écrasement des grévistes de chez Talbot quand les socialistes renouent avec la rigueur et acceptent de se ranger du côté du patronat, extraits projetés des Temps modernes et des images d’archives de la lutte ouvrière, figurines Playmobil remplaçant les journalistes : tout est montré, rien n’est asséné, l’humour est omniprésent. On comprend alors qu’on a depuis toujours fait taire la jeunesse en la condamnant à la reconduction de la servitude. Vinaver écrit sa pièce l’année où sort L’Etabli de Robert Linhart, dont l’adaptation de Mathias Gokalp est aujourd’hui au cinéma. Actuel, il va sans dire !
Catherine Robert
Mardi, jeudi et vendredi à 19h, mercredi à 20h, samedi et dimanche à 15h. Tél. 01 43 56 38 32. Durée : 1h.
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