La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Dieu, qu’ils étaient lourds…

Dieu, qu’ils étaient lourds… - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre de la Reine Blanche
Marc-Henri Lamande dans Dieu, qu’ils étaient lourds…Crédit photo : Pierric Maelstaf

Théâtre de la Reine Blanche / d’après Louis-Ferdinand Céline / mes Ludovic Longelin

Publié le 26 novembre 2014 - N° 227

Marc-Henri Lamande donne corps aux mots de Céline en une prestation époustouflante, qui semble ressusciter le reclus de Meudon, et fait entendre l’écrivain autant que l’homme.

Moquer l’Emile au prétexte que Jean-Jacques abandonna ses enfants, rappeler que le défenseur du Nègre de Surinam possédait des actions dans la Compagnie des Indes, confondre Etre et Temps avec une carte d’adhésion au parti nazi : les amateurs de solutions faciles adorent confondre le créateur et l’homme, jugeant souvent que les errements du second justifient de reléguer le premier dans les oubliettes du mépris. L’œuvre de Céline est toujours la victime de tels raccourcis. Antisémite quand nombre de Français l’étaient comme lui, misanthrope pour avoir trop fréquenté ses semblables, pacifiste jusqu’à l’indécence pour avoir connu l’absurdité de la boucherie de 14 : tel était Louis-Ferdinand Destouches. Ludovic Longelin, qui met en scène ce spectacle et incarne le journaliste interrogeant Céline, ne cache rien. Dans le rôle de l’inquisiteur radiophonique, il questionne l’écrivain en commençant par le pire, c’est-à-dire par le scandale. Si l’interprétation de Marc-Henri Lamande est hallucinante de vérité, Ludovic Longelin est également excellent dans son rôle de faire-valoir et de procureur. L’alternance des questions et des réponses, habilement rythmée, offre un squelette très solide à cette conversation, à laquelle les comédiens donnent chair.

Admirez Céline, ne le défendez pas ! 

Dieu qu’ils étaient lourds… est conçu à partir de plusieurs entretiens radiophoniques réalisés dans les années 50  avec celui que l’opprobre avait chassé de la vitrine des lettres françaises. Céline parle de sa vie, de son métier de médecin et de son « travail » d’écrivain, insistant sur la dimension artisanale d’une grâce obtenue à force d’efforts. Les turpitudes du bonhomme apparaissent, sorte d’Alceste las, imperméable aux compliments autant qu’aux remontrances moralisatrices. Une enfance au milieu des dentelles, une jeunesse au fond des tranchées, l’exil au Danemark, la prison dans le cul-de-basse-fosse de Vestre Fængsel, le pas léger et l’élégance dansante de Lucette (dont on entend les exercices à la barre, comme son mari les écoutait quand elle s’entraînait dans le salon de Meudon) : le docteur Destouches raconte les accidents de sa vie ; Céline en dit l’essentiel : le style. « Admirer Céline, ne le défendez pas ! » a écrit François Nourissier. Voilà ce à quoi nous invitent Marc-Henri Lamande et Ludovic Longelin.

 

Catherine Robert

A propos de l'événement

Dieu, qu’ils étaient lourds…
du mardi 18 novembre 2014 au samedi 28 février 2015
Théâtre de la Reine Blanche
2bis Passage Ruelle, 75018 Paris, France

Du mardi au samedi à 21h. Dieu, qu’ils étaient lourds… les semaines impaires ; La Chair de l’homme / Diagonale 1, de Valère Novarina, les semaines paires.

Tél. : 01 40 05 06 96. Durée : 1h.

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