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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2019 - Entretien / Clément Bondu

Dévotion – Dernière offrande aux dieux morts par Clément Bondu

Dévotion – Dernière offrande aux dieux morts par Clément Bondu - Critique sortie Avignon / 2019 Avignon Festival d'Avignon. Gymnase du lycée Saint-Joseph
Clément Bondu © Matthieu Edet

Entretien
Clément Bondu
Gymnase du lycée Saint-Joseph / texte et mes Clément Bondu

Publié le 23 juin 2019 - N° 278

Ce touche-à-tout né en 1988, formé à l’École normale supérieure, l’Ensatt et le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, est écrivain, poète, metteur en scène et musicien. Actuellement en résidence aux Plateaux sauvages, Clément Bondu signe le texte et la mise en scène de Dévotion, une « pièce-monde » qu’il porte depuis plus de huit ans et qu’il donne avec les élèves de la promotion 2019 de l’ESAD.

Vous dites que votre pièce est dédiée aux héros ratés du XXIe siècle. Qui sont-ils et pourquoi ?

Clément Bondu : Ma pièce comporte beaucoup d’intertextualité avec des héros théâtraux ou romanesques des XIXe et XXe siècles : l’Idiot de Dostoïevski, Hamlet dans la réécriture de Shakespeare par Heiner Müller, Baal de Brecht. Ces héros sombrent souvent dans le tragique, prennent en charge le tragique de l’histoire ou l’impossibilité à être. Les héros ratés de ma génération sont l’héritage direct de deux siècles d’histoire littéraire et politique, deux siècles marqués par les guerres et le colonialisme, de course au progrès effréné. Du coup, ces figures héroïques sont aussi remises en question par le point de vue d’où elles émergent : la civilisation blanche. Les héros du XXIe siècle, c’est la jeune génération qui essaie de s’en sortir avec cet héritage dans une forme de désenchantement par rapport aux dernières idoles de la génération qui a précédé. Comment croire encore à l’héroïsme au XXIe siècle alors que les récits de nos pères ont sombré dans l’acceptation du modèle économique actuel ?

« Comment croire encore à l’héroïsme au XXIe siècle ? »

Le théâtre vous semble-t-il une façon de réenchanter le monde ?

Cl.B. : En tout cas, c’est une façon de le re-ritualiser. Face à l’échec des modèles, des idoles, des contre-idoles, de l’idéologie et des contre-idéologies du XXe siècle, le projet de la pièce était de se dire : allons rechercher le rituel dans ce qu’il a de plus ancien. Le rituel théâtral est un des rituels possibles que je me sentais en mesure de convoquer. Le modèle grec me rappelait à lui de façon très naturelle puisque le personnage du choryphée apostrophe l’auditoire et lui pose des questions. Et le théâtre grec comporte aussi une part sacrée qui est de convoquer les dieux, de les questionner, sans oublier le rituel lié à la fête et à la musique. Cela m’intéressait de reprendre les trois pans du théâtre grec pour re-questionner profondément, avec la jeune génération, ce en quoi on peut croire encore.

Quid du rituel d’Avignon ? Vivez-vous votre présence dans le In comme une consécration ?

Cl.B. : Ce n’était pas prévu au départ ! J’ai écrit ma pièce il y a de nombreuses années, dans une perspective au contraire plutôt underground, comme un texte très littéraire, non destiné à être publié ni joué. J’ai laissé ce projet traîner et la pièce est de plus en plus devenue une pièce monstre, jusqu’à ce que Serge Tranvouez, le directeur de l’école supérieure d’art dramatique, me propose de travailler avec la promotion 2019. Le texte m’a paru alors le terreau approprié pour m’emparer des questionnements de cette génération.

Pour vous, il s’agit d’une « pièce-monde ». Qu’entendez-vous par là ?

Cl.B. : Comme la pièce comporte trop de personnages ou de lieux pour les représenter de manière naturaliste, il s’agit d’une pièce qui croit en la puissance de la parole et de l’imagination, dans la tradition de Pasolini (Manifeste pour un nouveau théâtre) pour qui il suffit de dire : « nous sommes dans une forêt » pour être dans une forêt. Ecrire pour le théâtre, c’est proposer une nouvelle imagination de notre monde.

 

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

Dévotion – Dernière offrande aux dieux morts par Clément Bondu
du vendredi 5 juillet 2019 au lundi 8 juillet 2019
Festival d'Avignon. Gymnase du lycée Saint-Joseph
Rue des Teinturiers

à 15h. Durée : 2h30. Tél. : 04 90 14 14 14.

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