La Mère coupable d’après Beaumarchais, mise en scène de Laurent Hatat
Laurent Hatat et Thomas Piasecki offrent une [...]
Portée par un souffle épique, la fiction contemporaine imaginée par l’auteur et metteur en scène Baptiste Amann, entrelace brillamment l’intime, le politique et l’historique.
Le projet fou de donner forme à un équivalent contemporain de trilogie antique est aujourd’hui abouti. Il aura demandé neuf ans de travail à son auteur et à ceux qui l’ont accompagné dans cette aventure extraordinaire. Jubilatoire. La saga familiale déployée en trois volets respectivement intitulés « Nous sifflerons la Marseillaise… », « … d’une prison l’autre… », « …et tout sera pardonné ? », suit, selon la volonté de Baptiste Amann, le mouvement du deuil : déni, colère, réconciliation. Ce n’est pas le seul fil rouge de cette fiction multidimensionnelle écrite « en réaction à la grogne réactionnaire ». L’idée de révolution, regardée dans ses expressions plurielles comme « ces étapes historiques où la question du sens que nous donnons à nos vies est incandescente », en est un autre. C’est celui qui, positivement, transporte le propos fictionnel dans la complexité de l’entrelacs des points de vue actuels, justifie l’irruption anachronique, dans le fil narratif, de trois grandes mises en perspective historiques – la Révolution française, la Commune, la Révolution algérienne –, et légitime l’interrogation politique présente : « quel type de révolution appellera le XXIème siècle ? ». Au spectacle, qui transpire l’intelligence, on ne demandera pas de répondre. Il s’agit d’habiter la question.
Des comédiens vraiment doués
Ces profondeurs fictionnelles aux accents tragiques, l’auteur a choisi de les ancrer dans un territoire en particulier : la banlieue pavillonnaire. Un non-lieu. Une tentative d’inclusion, miroir aux alouettes, qui tourne court, coupant les « heureux » propriétaires de leurs bases locatives, sans jamais pouvoir leur permettre de briser le plafond de verre qui les sépare des propriétaires heureux en d’autres lieux. C’est la malédiction qui pèse sur les héros mis en scène dans cette tragédie contemporaine : celle du déterminisme social, territorial. A l’aune des sujets qui font la pièce, on mesurera le talent de celui qui l’instruit en faisant de l’humour sa pierre de touche et de l’auto-dérision sa planche de salut. Rien de cette complexité tragi-comique, de cet enchevêtrement dramatique aux dimensions épiques, de cette mise en abîme théâtrale servie par une grande richesse du vocabulaire scénique, ne saurait être entendu sans les jeunes comédiens vraiment doués que sont Solal Bouloudnine, Alexandra Castellon, Nailia Harzoune, Yohann Pisiou, Samuel Réhault, Lyn Thibault, Olivier Veillon. Ils font corps avec l’ambition musclée du metteur en scène à laquelle ils donnent chair. Leur engagement sans faille nous attache infailliblement.
Marie-Emmanuelle Dulous de Méritens
Le mercredi 6 (1ère partie), le jeudi 7 (2ème partie) et le vendredi 8 (3ème partie) à 20h. Le samedi 9 à 14h30 (intégrale – 7h avec 2 entractes d’une demi-heure et de trois quarts d’heure). Tél : 03 21 63 29 19.
Spectacle vu au Théâtre Ouvert (CNDC) le samedi 18 septembre 2021 (intégrale).
En tournée :
Octobre 2021 : les 16 et 17 au Théâtre Sorano (Toulouse), le 21 au Méta (CDN de Poitiers)
Novembre 2021 : du 10 au 13 à L’Empreinte (Scène Nationale de Brive-Tulle), le 20 au Zef (Scène Nationale de Marseille), le 27 à La Garance (Scène Nationale de Cavaillon)
Décembre 2021 : le 4 à La Passerelle (Scène Nationale de Saint-Brieuc)
Mai 2022 : Le 21 à Châteauvallon Le Liberté (Scène Nationale)
Juin 2022 : du 3 au 5 aux Célestins Théâtre de Lyon
Laurent Hatat et Thomas Piasecki offrent une [...]