Françoise Sagan, Chroniques 1954-2003 de Françoise Sagan / mise en scène Anne-Marie Lazarini
Anne-Marie Lazarini et ses fidèles complices [...]
La pièce de Pirandello, portée par l’impressionnante Chloé Réjon, explore avec acuité les traumatismes historiques et le relativisme de la vérité.
Souvent, les auteurs creusent inlassablement le même thème au cours de leurs livres, comme s’ils photographiaient un sujet sous des angles différents. C’est le cas de Luigi Pirandello, passé maître dans l’art de décrire le relativisme de la vérité. Après À Chacun sa vérité (1917) ou Six personnages en quête d’auteur (1921), Comme tu me veux explore cette question sous l’angle traumatique. Dans cette pièce de 1929, le dramaturge – alors exilé à Berlin avec sa muse Marta Alba – place l’action 10 ans après la fin de la Première Guerre mondiale. Son personnage principal est une sorte de Lulu, à la fois danseuse de cabaret berlinois et maîtresse d’un écrivain. Un photographe italien se persuade qu’elle est Lucia, l’épouse de son ami Bruno, une femme qui a disparu dix ans plus tôt sans laisser de traces pendant l’invasion de la Vénétie par les troupes austro-hongroises. L’Inconnue s’en défend, mais finit par rejoindre Bruno en Italie. Est-elle vraiment sa femme ? Joue-t-elle un rôle ? Quand elle comprend que son « mari » a tout intérêt – pour des questions d’héritage – à la considérer comme vivante, elle se révolte.
La rigidité de la bourgeoisie et les traumatismes de la guerre
On comprend que Stéphane Braunschweig se soit intéressé à cette pièce rarement montée. Cette Inconnue qui ne cesse de se réinventer constitue presque une métaphore des comédiens. Et le cœur de la pièce, à savoir que les certitudes sont aléatoires en fonction des personnes et des circonstances, résonne particulièrement dans un contexte de pandémie où l’on sait moins que jamais de quoi demain sera fait. Le metteur en scène, qui signe également la traduction française et la scénographie, rend la pièce extrêmement lisible. Il montre bien, en plantant pendant les deux tiers du spectacle trois canapés massifs aux angles mussoliniens, la rigidité de la bourgeoisie et les pesanteurs de la société italienne de cette époque, tout comme les traumatismes de la guerre au moyen d’archives vidéo de villes bombardées. Il n’évite pourtant pas les longueurs d’un texte un peu trop démonstratif voire répétitif, et un statisme qui plombe un peu la pièce, malgré de remarquables comédiens comme Chloé Réjon, impressionnante dans le rôle écrasant de l’Inconnue. Avec son corps musculeux, sa voix parfois cassée, la subtilité de son jeu, elle construit avec autant de grâce que force un personnage mystérieux et troublant.
Isabelle Stibbe
Tél. : 01 44 85 40 40. Durée estimée : 2h10. Tournée 2022 : CDN Orléans / Centre-Val de Loire, les 26 et 27 avril.
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