La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Des signes des temps

Des signes des temps - Critique sortie Théâtre
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage Légende photo : Du monde clos à l’univers infini

Publié le 10 novembre 2009

Rendant hommage à Giordano Bruno, retraçant sa vie et évoquant son œuvre, Laurent Vacher met en scène un spectacle original et percutant qui promène le spectateur au cœur des espaces infinis.

Sans doute né et assurément mort trop tôt, le 17 février 1600, sur le bûcher du Campo dei Fiori, Giordano Bruno reste le symbole de la lutte imbécile et stérile de l’obscurantisme dogmatique contre le développement, le risque et le progrès intellectuels. Parcourant l’Europe entière à la recherche d’asiles toujours plus incertains, Bruno étudia, enseigna, publia et élabora peu à peu une œuvre foisonnante où aucun domaine de la pensée n’est ignoré. Fervent physicien, habile mathématicien, insolent théologien, métaphysicien original, maître en mnémotechnique, il mena une vie de pèlerin de la raison libertaire et iconoclaste. Pour rendre compte d’une existence éclatée et d’une pensée éclatante, pour montrer l’impasse à laquelle Bruno se condamna lui-même par son refus obstiné de la compromission, Laurent Vacher invente une mise en scène qui exploite l’espace de manière originale. Les spectateurs doivent quitter leur fixité habituelle et tournent de salle en salle comme pour rappeler ce rejet virulent de la clôture et de l’immobilité qui marque la pensée de Bruno. De l’évocation première de la multiplicité des mondes jusqu’à la fermeture finale du tribunal ecclésiastique, la modification des espaces scéniques mime l’emprisonnement progressif de la vie du savant, dont l’existence suivit paradoxalement le chemin inverse de sa découverte. L’utilisation des images et du son vient imprimer des climats et des visions évolutives, des splendeurs galactiques à l’obscurité du cachot.
 
Parcours sensible dans la pensée
 
Pour incarner le Nolain, trois comédiens s’affrontent et se complètent. Aucun d’entre eux n’est Bruno et tous le sont tour à tour, pour mieux montrer les diverses facettes de cette personnalité et de son œuvre protéiformes. Benoît Di Marco, Laurent Levy et Pierre Hiessler prennent en charge les rôles de Bruno, de ses contradicteurs et de ses bourreaux. Le jeune prêtre rebelle refusant que Marie ait conçu sans connaître les plaisirs de la chair, l’astronome et le penseur militant et itinérant, l’obstiné martyr d’une cause révolutionnaire et le réformateur mystique sont dépeints par les comédiens que leurs différences d’aspect et de ton n’empêchent jamais de dresser le portrait d’un homme complet. Apparaît alors un héros pluriel, complexe, passionné jusque dans ses excès, exalté par l’amour du savoir et du sexe, fou au milieu des sages et pourtant plus sage qu’eux. Ce spectacle intelligent constitue non seulement un exceptionnel moment de théâtre, non seulement une occasion unique de découvrir l’Observatoire de Paris, mais aussi un impeccable hommage à cet homme qui croyait en l’infini, qui n’avait d’autre horizon que l’illimité et qui pour avoir osé lever les yeux au ciel, fut condamné par ceux qui prétendaient en être les seuls gardiens.
 
Catherine Robert


Giordano Bruno – Des Signes des temps, spectacle conçu et mis en scène par Laurent Vacher (texte publié aux Editions Gilletta). Du 7 novembre au 12 décembre 2009. Du lundi au samedi à 20h30 ; le jeudi à 19h30. Observatoire de Paris, 61, avenue de l’Observatoire, 75014 Paris. Renseignements et réservations au 01 44 84 72 20 et sur www.compagniedubredin.com

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