Delphine Hecquet présente « Requiem pour les vivants », un spectacle profondément touchant.
Théâtre des Salins et tournée / Texte et mise en scène de Delphine Hecquet
Publié le 16 décembre 2024 - N° 328Vous avez déjà vu des images de jeunes gens plonger à pic entre des rochers menaçants ? La vie, la mort, ce qui nous lie et nous sépare, la beauté et le tragique, Delphine Hecquet conçoit avec eux et Requiem pour les vivants un spectacle qui mêle théâtre, danse et chant, à la fois simple et complexe, et profondément touchant.
Hantée par le vide, Delphine Hecquet se penche aujourd’hui sur celui dans lequel se jettent, au-dessus de la mer, des jeunes gens, depuis les falaises marseillaises. Une activité à haut risque, entre frime et adrénaline se dit-on à première vue, qu’elle ausculte à travers la fiction de la mort de l’un d’eux. Le jour de son anniversaire, Jonas plonge du haut de ses 20 ans, et se fracasse 12 mètres plus bas. Il ne rejoindra pas sa mère qui avait réservé pour le soir un restau étoilé. Il laisse sa bande d’amis abasourdie, qui doit annoncer à cette dernière la tragique nouvelle. Ils sont 8 au plateau, acteurs, danseurs et chanteurs à la fois, puisque ce Requiem pour les vivants entremêle scènes jouées, chants opératiques et chorégraphies. Un mélange des genres que relaie l’écriture disparate de Delphine Hecquet. Si la pièce démarre en effet sur un solo face public en mode impro rigolote de Léo-Antonin Lutinier, elle se poursuit dans une oscillation entre différents registres, d’une écriture de la sensation, d’images, fussent-elles de la mort, à des passages plus réflexifs sur le sens de la vie, en passant par des saillies comiques qui peuvent surgir à n’importe quel moment.
Quelque chose de la force des mythes
Pour qui aime contempler les mouvements de la mer, deviner ses courants invisibles sous la surface, qui se liguent, se séparent, se rejoignent, s’affrontent parfois en masses d’eau contraires, telles ces forces enfouies, inconscientes, qui nous agitent, ce spectacle a quelque chose de profondément touchant, d’une poésie immense. Dans une tension qui ne se défait jamais, on y croise la violence de la mort, la beauté de la jeunesse, la vacuité de la vie et le trop-plein de nos désirs, les solitudes inéluctables des êtres mais aussi leur capacité à faire corps, à se réunir, par exemple dans des chœurs tragiques. Le spectacle navigue entre situations concrètes, précises, sur lesquelles Delphine Hecquet se concentre via un réalisme toujours vacillant, et des passages, des images mêlant cruauté, sacré et quelque chose de la force des mythes. Le récit s’égare un peu parfois mais l’entrelacement des esthétiques et cette capacité à plonger vers l’essentiel, à interroger les profondeurs de nos psychés donnent au spectacle une densité exceptionnelle. Avec comme fondement cette mort d’un jeune homme, Delphine Hecquet raconte ce qui nous habite à travers les différents âges de la vie et nous entraîne hors des sentiers battus, croisant les langages scéniques avec un talent épatant qui se conjugue à celui de tous ses interprètes.
Eric Demey
A propos de l'événement
Delphine Hecquet présente « Requiem pour les vivants »du mardi 28 janvier 2025 au mardi 28 janvier 2025
Théâtre des Salins
19 Quai Paul Doumer, 13500 Martigues
à 20h30. Tél : 04 42 49 02 00. Spectacle vu à l’Empreinte à Brive-la-Gaillarde. Durée : 1h45.
En tournée les 20 et 21 mars au Liberté, les 31 mars et 1er avril au CDN de Poitiers, le 8 avril à Albi.