« Cendrillon, drôle d’oiseau », une subtile clownerie musicale proposée par Arnaud Guillou
En tournée / écriture et mise en scène Arnaud Guillou
Publié le 6 décembre 2024 - N° 328Dans le cadre de la cinquième édition du Festival Imago Art et Handicap, Arnaud Guillou révèle l’éveil à l’amour d’une Cendrillon autiste avec une poésie aussi touchante qu’économe, portée par un canevas musical habilement tissé entre chansons et airs d’opéra.
Sur un plateau à peine meublé de quelque bergère et d’un piano droit, Cendrillon aligne quelques billes, un peu dans sa bulle. La jeune fille « bizarre », dont on évoque plus loin l’autisme, est moquée par ses deux sœurs et sa belle-mère mythomane à l’ego surdimensionné. Seul le jeune prince se révèle sensible à cette différence qui la préserve de la méchanceté des gens « normaux », dans une rencontre en ramages derrière un masque d’oiseau. Conçu à la manière d’une comédie musicale à partir de pages lyriques et de chansons, le spectacle d’Arnaud Guillou revisite le conte de Perrault en éclairant la stigmatisation de l’héroïne d’une manière que la tradition ne développe pas. Dans le cadre d’un festival qui s’attache à défendre la place des handicaps au cœur de la création artistique, l’écriture engagée ne se départ jamais d’une fluidité poétique où, dans un dosage subtil entre les mots et les notes, alternent les rires – tel le parachutage d’un soulier XXL lorsque sonne l’heure de la citrouille – et de délicates touches d’émotion.
La justesse des émotions en musique
Cette versatilité de la dramaturgie s’appuie sur celle des partitions arrangées par Stanislas Kuchinski. Accompagnée par le piano du prince, Lucas Belkhiri, Pauline Texier, dans le rôle-titre, passe avec une égale plénitude lyrique des vocalises de Rachmaninov, Mozart, Massenet et Ravel aux mélodies de Camille, Balavoine ou Anne Sylvestre – la tendresse irrévérencieuse de J’aime les gens qui doutent cristallise sans doute la pudique sincérité d’un personnage un peu maladroit avec ses sentiments. Il n’y a pas de grande et de petite musique, il n’y a que la musique qui touche juste. Entre la logorrhée de l’excentrique et envahissante marâtre, incarnée avec une irrésistible virtuosité comique par Aurélie Cohen, et la danse scintillante de Justine Lebas, la fée et la mère, le désir de toucher ne se contente pas de la parole : l’éclosion finale des sentiments amoureux s’exprime également en langue des signes. L’enchantement de Cendrillon, drôle d’oiseau s’affranchit des barrières.
Gilles Charlassier
A propos de l'événement
Cendrillon, drôle d'oiseaudu samedi 18 janvier 2025 au samedi 24 mai 2025
Tournée en 2025 : Salle des fêtes, Montargis, le 18 janvier. Théâtre de Coulommiers, le 20 mars. Salle Jean-Renoir, Bois Colombes, le 21 mars. Théâtre d'Autun, le 6 mai. Théâtre de Fontainebleau, le 20 mai. Les Fuzeaux, Saint-Dizier, le 24 mai.
Spectacle vu dans le cadre du Festival Imago, au Centre culturel Jean Vilar à Marly-Le-Roi le 30 novembre.