Le Vide/Essai de Cirque de Fragan Gehlker
Reprise d’un des sommets de ces dernières [...]
Audacieux hommage aux puissants pouvoirs du théâtre, Dans le frigo propose trois pièces en une sous l’égide de Copi.
Jusqu’à peu, chaque soir, le public venait à la Tempête voir Le Frigo de Copi et se retrouvait embarqué par surprise dans une pièce fleuve et gigogne pour quatre heures d’hommage aux pouvoirs du théâtre. Le Frigo ouvrait sa porte sur le Macbeth de Shakespeare qui tenait ensuite dans ses mains les Bonnes de Genet. Tout récemment, le théâtre que dirige Clément Poirée a décidé de ne plus proposer en semaine que des versions écourtées de ce programme, avec alternativement Macbeth ou les Bonnes en complément du Frigo, et le week-end l’intégralité du triptyque. On conseille plutôt de découvrir l’intégrale, afin de coller au plus près au projet initial de Clément Poirée. Copi, le romancier, dessinateur et dramaturge argentin, collaborateur de Libération, d’Hara-Kiri, de Charlie Hebdo, activiste gay mort en 1987 du SIDA, en constitue donc la figure tutélaire. Il a écrit en 1983 une pièce fantasmatique où des monstres apparaissent à cause d’un immense réfrigérateur – cadeau de sa mère pour ses cinquante ans – qui s’est invité dans son salon. Un peu comme un Macbeth qui ne peut échapper aux fantômes de ceux qu’il a tués, mais en beaucoup moins sanglant, l’appareil ménager fait surgir sur scène une mère, un chien, un rat, des interlocuteurs fantasmagoriques du personnage qui vont révéler quelques parts sombres de sa psyché.
Les forces théâtrales du fantasme
Car c’est là une des vertus du théâtre que Poirée et ses comédien.nes se plaisent à souligner dans ce triptyque, que sa capacité extraordinaire de donner corps à l’imaginaire. Un imaginaire dans lequel on trouve beaucoup de désir, de peur (de la mort), d’envie, de jalousie, bref, un marais de sentiments humains, trop humains, que la scène sait si bien sublimer. Avec Macbeth, c’est dans une version quelque peu remaniée, avec un protagoniste veule et rustre qui excelle dans un dénuement de décor propre à faire vibrer tous ses cauchemars. Avec les Bonnes qui imitent cette maîtresse qu’elles aiment autant qu’elles la haïssent, on est de retour dans le décor initial avec deux jeunes comédiennes facétieuses qui livrent une prestation pleine d’intelligence. Support d’une théâtralité baroque transgressive, Dans le frigo traverse ainsi avec bonheur les frontières entre le réel et le fantastique, entre les genres, sexuels et littéraires, entre le vrai et le faux, le senti et le joué, entre la sincérité et la comédie. proposant au final un triptyque audacieux, inégal certes, long parfois, mais régulièrement ponctué de très belles prestations et toujours gorgé de ce plaisir de donner forme à nos fantasmes, de faire vivre scènes et personnages et de faire vibrer les pouvoirs du théâtre.
Eric Demey
du mardi au vendredi à 20h, samedi à 19h30, dimanche à 15h30. Tel : 01 43 28 36 36. Durée : 4h environ, entracte compris/ 2h30 en version abrégée.
Reprise d’un des sommets de ces dernières [...]