La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

La Beauté du geste d’Olivier Saccomano, mis en scène par Nathalie Garraud

La Beauté du geste d’Olivier Saccomano, mis en scène par Nathalie Garraud - Critique sortie Théâtre Montpellier Théâtre des 13 Vents
Olivier Saccomano, auteur, et Nathalie Garraud, metteuse en scène de La Beauté du geste © Marc Ginot

d’Olivier Saccomano / mes Nathalie Garraud

Publié le 24 septembre 2019 - N° 280

Olivier Saccomano et Nathalie Garraud livrent leur dernière création, La Beauté du geste. Le nouvel opus des deux co-directeurs du Théâtre des 13 Vents et de leur troupe mêle étroitement art théâtral et questions politiques, dans un dispositif bifrontal.

Comment est née La Beauté du geste ?

Olivier Saccomano : De deux états d’urgence. Celui déclaré par l’État français en novembre 2015, pour la première fois sur l’ensemble du territoire depuis la guerre d’Algérie, et celui qui était le nôtre à ce moment-là, dans notre aventure de troupe : un certain désarroi, qui nous imposait d’entrer dans un labyrinthe où se croisaient nos existences historiques, le travail de notre art, les rôles que l’époque faisait naître sous nos yeux. La pièce est née de cette conjonction et de cette errance qui, partant de nos pauvres corps de théâtre, a attiré à elle les grands corps de l’État (la police et la justice).

« Le désir est sûrement là d’un théâtre dissensuel, en écart à la domination de la communication et de la consommation culturelles. »

Comment avez-vous découpé le texte ?

O.S. : Au départ, nous avions une structure fantôme en trois mouvements : les acteurs sans pièce, une pièce jouée par ces acteurs, et un procès intenté à ces acteurs pour avoir joué cette pièce. Mais nous ne savions pas encore quel serait le sujet de la pièce, son point névralgique. Il est apparu au cours du travail, dans une scène où un acteur, portant un costume de CRS, prononçait la phrase d’Hamlet : « Le siècle est détraqué. Ô destin maudit qui m’a fait naître pour le remettre en ordre». La pièce s’est construite à partir de ce rôle (un gardien de la paix CRS) et de cette question (quel ordre s’agit-il de maintenir ?). Depuis, la logique des mouvements s’est troublée, on passe d’un plan à un autre comme d’un rêve à un autre : acteurs, CRS, magistrats, spectateurs, prévenus… et la réalité se creuse, en écart à elle-même.

Avons-nous besoin, plus que jamais, d’un théâtre politique ?

O.S. : Depuis un moment, l’expression « théâtre politique » a été neutralisée par son usage apolitique. Par contre, si la politique est le travail du dissensus, le désir est sûrement là d’un théâtre dissensuel, en écart à la domination de la communication et de la consommation culturelles. Un théâtre qui ne se laisse pas réduire à un « objet » ou à des « besoins », et dont les formes sont travaillées par des batailles, des ténacités, des sensibilités inconnues, des risques dans lesquels s’engagent (et parfois les uns contre les autres) acteurs, écrivains, metteurs en scène, producteurs.

Pourquoi avoir choisi un dispositif bi-frontal ?

O.S. : L’espace est la première chose que décide Nathalie. C’est une sorte d’axiome à partir duquel elle construit ensuite les structures de jeu. Le bi-frontal, ici, concentre l’attention sur les acteurs. C’est un espace assez dur, qui est celui des défilés (de la mode et des armées) où une minorité est exposée aux regards. Le public y est aussi divisé, mis en miroir. Ce n’est pas la même chose d’être derrière un cordon de CRS ou face à lui, de se retrouver face à un juge ou face à un prévenu. Le bi-frontal permet de travailler matériellement ces renversements : selon la position des acteurs, le public est transporté d’un côté ou de l’autre de la frontière.

Entretien réalisé par Isabelle Stibbe

A propos de l'événement

La Beauté du geste d’Olivier Saccomano, mis en scène par Nathalie Garraud
du jeudi 3 octobre 2019 au vendredi 18 octobre 2019
Théâtre des 13 Vents
Domaine de Grammont, Avenue Albert Einstein, 34965 Montpellier

Du 3 au 5 octobre, du 9 au 12 octobre, du 16 au 18 octobre à 20h. Tél. : 04 67 99 25 00. Durée estimée : 2h30. Tournée : Maison de la Culture d’Amiens du 25 au 27 novembre 2019 ; Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles, du 5 au 8 décembre 2019 ; Le Bois de l’Aune, Aix-en-Provence les 23 et 24 janvier 2020 ; Les Scènes du Jura, Lons-le-Saunier les 4 et 5 février 2020.

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