Dieu est un DJ et Je te regarde de Falk Richter et d’Alexandra Badea, mis en scène par Patrice Bigel

Depuis 1995, la compagnie La Rumeur est installée dans l’ancienne maroquinerie Hollander, à Choisy-le-Roi. En 2002, la compagnie la rénove pour la rendre accessible au public et en faire un lieu d’expérimentation et de réalisation de ses spectacles, mais aussi un lieu de résidence pour de jeunes compagnies et un lieu de transmission en direction des collégiens, lycéens et étudiants. L’énergie créatrice de cette équipe, la qualité de son accueil et son souci d’accompagner la jeunesse dans l’accès à la culture et à l’art sont remarquables. Aujourd’hui menacée de fermeture, l’Usine Hollander mérite plus que jamais que l’on découvre et que l’on soutienne le travail rigoureux et exigeant qui y est mené. En octobre et novembre, La Rumeur présente son nouveau spectacle, Dieu est un DJ, de Falk Richter, et le résultat des ateliers menés avec les jeunes autour de Je te regarde, d’Alexandra Badea.

Chroniques de notre époque

Ecrites à vingt ans d’écart et de facture très différente, ces deux pièces évoquent le même thème de l’emprise numérique et des dérives de l’hyper connexion. Dans la pièce de Falk Richter, un couple « se transforme en une petite entreprise lucrative », comme le remarque Patrice Bigel avec humour, et reproduit le système capitaliste en soumettant son existence aux lois du marketing. Tout peut être dit, même le plus trash, et tout peut être vendu, même le plus intime : il suffit de vivre devant une caméra et de trouver un public complaisant pour assister aux ébats d’un quotidien devenu chair à écran. Mara Bijeljac et Simon Cadranel interprètent ces deux monstres ultramodernes. Je te regarde fait écho à Dieu est un DJ. Interprétée par des jeunes nés après la révolution numérique, la pièce d’Alexandra Badea donne naissance à un spectacle choral performatif et visuel où quatre destins entrecroisés vivent par écrans interposés. Une vision du monde contemporain « où la sécurité est devenue une obsession et la vidéosurveillance une norme », dit Patrice Bigel dont le travail et l’engagement sont à hauteur des questions qu’il choisit de porter à la scène : indispensables et salutaires.

Catherine Robert