Courts-Circuits #3 : l’émergence théâtrale brille à Saint-Etienne
Comédie de Saint-Etienne
Publié le 17 novembre 2024 - N° 326Du 12 au 23 novembre, la 3ème édition des Rencontres théâtrales de Saint-Etienne et de la Loire nous propose de découvrir quatorze créations de jeunes compagnies implantées dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi elles, trois belles propositions programmées par la Comédie de Saint-Etienne : Viviane, une merveille, Freda et « Mélankolikea. Comment meubler sa peine ».
D’un lieu à l’autre, du début de l’après-midi au milieu de la soirée, les spectacles de Courts-Circuits* se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Car le principe de ce rendez-vous annuel (né en 2022, à l’initiative de la Comédie de Saint-Etienne, en partenariat avec le Théâtre Le Verso et la Ville de Saint-Etienne) est de donner à voir la richesse et la diversité du paysage théâtral de la métropole stéphanoise et de sa région. Quatorze propositions composent la 3ème édition de ces Rencontres théâtrales. Nombre d’entre elles sont portées par de jeunes metteuses en scène qui, à travers des textes qu’elles ont souvent elles-mêmes écrits, portent un regard à la fois sensible et engagé sur le monde dans lequel nous vivons. C’est le cas de Viviane, une merveille de Myriam Boudenia (Compagnie La Volière), Freda de Kaïnana Ramadani et Azani V. Ebengou (Compagnie Les Pleureuses de feu) et « Mélankolikea. Comment meubler sa peine. » de Maïanne Barthès (Compagnie Spell Mistake’s), trois réussites que les publics stéphanois pouvaient voir, en début de festival, lors d’une même journée. Le premier de ces projets — Viviane, une merveille — a pour sujet la souffrance mentale des adolescents.
L’individu face au monde
Viviane, une merveille, de Myriam Boudenia. © Marion Bornaz
Formidablement interprété par deux comédiennes (Pauline Drach et Myriam Boudenia, cette dernière signe le texte et la mise en scène), une musicienne (Éloïse Decazes) et un musicien (Julien Vadet), ce spectacle à l’esthétique artisanale associe théâtre, musique et projection d’images pour nous faire entrer dans l’esprit complexe d’une jeune fille de 16 ans. Après un séjour dans un hôpital psychiatrique, Viviane doit retourner en classe. Tout au long du trajet qui la mène de la porte de sa chambre à celle de son lycée, elle nous confie ses troubles et ses espérances, s’adressant à nous comme à elle-même. Adossé à l’univers fabuleux des légendes du roi Arthur, Viviane, une merveille nous émeut et nous amuse. Destinée à tous les publics à partir de 14 ans, la création de Myriam Boudenia fait mouche : elle nous gagne à sa cause avec adresse et générosité. C’est également un chemin d’émancipation très touchant qu’éclairent la comédienne Kaïnana Ramadani et la metteuse en scène Azani V. Ebengou dans Freda (les deux artistes cosignent le texte), seule-en-scène autofictionnel qui pointe du doigt certains des angles morts de notre histoire coloniale. Mariama entre dans la salle, essoufflée, agitée. Comédienne d’origines réunionnaise et comorienne, elle vient de s’échapper du biopic théâtral dans lequel elle jouait Joséphine Baker, ne supportant plus de véhiculer l’imagerie essentialiste et, finalement, raciste de ce spectacle.
Des psychés qui s’ouvrent à nous
Freda, de Kaïnana Ramadani et Azani V. Ebengou. © Aurélie Rivierez
Dans un monologue qui dépasse les cadres de la narration pour faire ressentir la vérité brute et tranchante d’une révolte qui est aussi la sienne, Kaïnana Ramadani surprend autant qu’elle convainc. Mêlant avec force souvenirs personnels et mises en perspective politiques, Freda laisse éclater au grand jour les enfermements, les stigmatisations qui, parfois, se cachent derrière les fausses respectabilités. Avec « Mélankolikea. Comment meubler sa peine. », l’autrice et metteuse en scène Maïanne Barthès nous plonge, elle aussi, dans la sensibilité malmenée de personnages en butte aux injonctions du monde. Ils sont six, toutes et tous employés dans un magasin d’ameublement.Au sein des espaces de vie factices qu’ils ont pour charge d’aménager, ces femmes et ces hommes se laissent envahir par des accès de solitude, des bouffées de mélancolie. Ils ouvre ainsi des portes vers toutes sortes de rêveries, de fantasmes, de situations loufoques et surréalistes. Regardant avec exigence du côté de la farce, les interprètes de cette réflexion sur les promesses chimériques de la société de consommation sont remarquables. Clowns contemporains aux profondeurs métaphysiques, Odile Ernoult, Cécile Maidon, Slimane Majdi, Guillaume Mitonneau, Baptiste Relat et Cécilia Steine nous font rire aux éclats. Leurs sorties de route saugrenues viennent joyeusement s’opposer à la standardisation et la marchandisation outrancières de nos existences.
Mélankolikea. Comment meubler sa peine. de Maïanne Barthès. © Jean-Louis Fernandez
Manuel Piolat Soleymat
A propos de l'événement
Courts-Circuits #3 : l’émergence théâtrale brille à Saint-Etiennedu mardi 12 novembre 2024 au samedi 23 novembre 2024
Comédie de Saint-Etienne
Place Jean-Dasté, 42000 Saint-Etienne
-Viviane, une merveille : le 19 novembre 2024 au Théâtre de Villefranche, le 18 février 2025 à La Mouche à Saint-Genis-Laval. Durée : 1h15.
- Freda : le 15 novembre 2024 au Chok Théâtre à Saint-Etienne, les 20 et 21 mars 2025 au Théâtre des Pénitents à Montbrison. Durée : 1h.
- Mélankolikea. Comment meubler sa peine. : le 16 novembre 2025 à la Comédie de Saint-Etienne, le 28 novembre au Théâtre de Roanne, du 7 au 11 janvier 2025 aux Plateaux Sauvages, du 9 au 20 avril aux Célestins - Théâtre de Lyon. Durée : 1h45.
Tél. : 04 77 25 14 14. www.lacomedie.fr