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Théâtre - Critique

Clément Poirée met en scène « L’Avare », une célébration du théâtre comme construction artisanale, collective et… économe !

Clément Poirée met en scène « L’Avare », une célébration du théâtre comme construction artisanale, collective et… économe ! - Critique sortie Théâtre 75012 Paris. Théâtre de la Tempête
L’Avare de Molière au Théâtre de La Tempête © Fanchon Bibille

Théâtre de la Tempête / Texte de Molière / Mise en scène de Clément Poirée

Publié le 17 septembre 2024 - N° 324

Avec John Arnold dans le rôle-titre et une troupe joliment engagée, Clément Poirée met en scène L’Avare, en collaboration avec le public. Une joyeuse célébration du théâtre comme construction artisanale et aventure collective.

Lorsqu’on entre dans la salle du chaleureux Théâtre de La Tempête, nourri d’effervescence artistique et de beaux héritages, on est accueilli par l’un des comédiens qui collecte ce que l’on a emporté et le range dans diverses caisses posées à l’avant du plateau. Prévenus en amont, nombre de spectateurs ont en effet apporté une multitude de choses – vêtements, bibelots, etc. -, des dons qui seront ensuite triés et redistribués via la ressourcerie solidaire de la Petite Rockette. Éloge de l’économie circulaire, chasse au gaspillage : l’aversion aux grandiloquents rubans et la frugalité prônées par l’avaricieux Harpagon trouvent ici un écho qui résonne avec l’époque ! Soulignons cependant qu’au-delà de cette mise en commun qui célèbre joyeusement et sans se prendre au sérieux la valeur du partage et de l’économie, le vrai gagnant de l’histoire, c’est le théâtre. La représentation s’attache à rendre visible sa construction artisanale, collective, accueillant sur le plateau non seulement les comédiens mais aussi divers collaborateurs artistiques (son, costumes, accessoires, maquillage…), affairés devant des étagères métalliques qui ne cachent rien : avec sa capacité ingénieuse à jouir du jeu qu’il fabrique, véritable antithèse de toute radinerie, le théâtre fait entendre la langue de Molière dans son tranchant et sa vitalité.

Jouissance du théâtre vs jouissance de la possession

Si L’Avare, créé sur la scène du Théâtre du Palais-Royal le 9 septembre 1668, est l’une des pièces de Molière les plus jouées, c’est bien parce qu’Harpagon est un extraordinaire personnage, aussi cruel que farcesque, aussi maladroit que tyrannique, tout entier attaché à sa chère cassette au détriment de sa progéniture et de toute la maisonnée. John Arnold l’incarne à merveille, sur une ligne de crête où la cruelle dureté et la volonté de domination du barbon solitaire sont tempérées par une forme d’inadaptation comique au monde. En toute logique, les enfants Cléante, dont la jeune et belle amante Marianne est convoitée par son propre père, et Élise, éprise de Valère, n’ont d’autres recours que le mensonge ou la fuite (un heureux et improbable dénouement évitera tout drame). Le quatuor des amoureux est interprété avec une piquante vivacité par  Mathilde Auneveux (Élise), Nelson-Rafaell Madel (Valère), Pascal Cesari (Cléante) et Marie Razafindrakoto (Marianne). Anne-Élodie Sorlin (une Frosine pleine d’énergie), Laurent Menoret (un épatant Maître Jacques) et Virgil Leclaire (La Flèche) complètent la distribution.  Astre noir qui petit à petit perd son rôle central, seul Harpagon est habillé en tenue d’époque, dès le début de la représentation, tandis que les autres comédiens sont en tenue minimaliste, avant de revêtir ce qui ce soir-là est possible. Ce théâtre pauvre assume sa dimension audacieuse de recherche précaire, posant en filigrane la question du coût de l’art (à ne pas sacrifier !) face à l’urgence écologique. Alors que certaines mises en scène de L’Avare ont pu accentuer et parfois actualiser la violence des situations et la cruauté d’Harpagon, ici prime une vitalité malgré tout joyeuse, joliment boostée par le désir.

Agnès Santi

A propos de l'événement

L'Avare
du vendredi 13 septembre 2024 au dimanche 20 octobre 2024
Théâtre de la Tempête
Théâtre de la Tempête, route du champ de manœuvre, 75012 Paris

du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 16h. Tel : 01 43 28 36 36.

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