La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Nageuse de l’extrême – Portrait d’une jeune femme givrée

Nageuse de l’extrême – Portrait d’une jeune femme givrée - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre ouvert
Élise Vigier et Léna Bokobza-Brunet dans Nageuse de l’extrême – Portrait d’une jeune femme givrée. Crédit : Christophe Raynaud de Lage

Théâtre Ouvert / texte et mise en scène Élise Vigier

Publié le 17 septembre 2024 - N° 324

Aux côtés de Léna Bokobza-Brunet, la comédienne, metteuse en scène et autrice Élise Vigier crée Nageuse de l’extrême – Portrait d’une jeune femme givrée. Un double récit poignant qui dit les tourments de corps qui souffrent, la force de volontés qui se battent, la lumière de la vie qui triomphe du froid comme de la maladie. À Théâtre Ouvert.

Elles parlent l’une après l’autre. Dans un premier temps, à travers la vérité stridente de longs monologues. Puis, leurs paroles se rejoignent. Leurs propos, toujours saisissants, finissent par s’entrecroiser. Se correspondre. Se nourrir l’un l’autre pour former un récit à deux voix, à deux visages. C’est le personnage de La nageuse (Léna Bokobza-Brunet) qui s’immerge la première dans cette représentation d’une heure aux flots parfois submergeants. Elle entre sur le plateau dans un maillot de bain noir une pièce, un bonnet et des lunettes de natation sur la tête, s’enduit le corps de vaseline (comme le font les nageuses et nageurs en eaux froides pour diminuer les frottements et conserver le plus longtemps possible leur chaleur corporelle). Ce faisant, elle raconte comment elle est parvenue à traverser la Manche, au prix de grands efforts, en un temps record de neuf heures et vingt-deux minutes. Cette performance, c’est en réalité Marion Joffle qui l’a réalisée, il y a deux ans, à l’occasion d’un événement organisé en faveur de la lutte contre le cancer, maladie qu’elle a elle-même endurée lorsqu’elle était enfant.

Deux femmes vivantes

Écrite à partir d’entretiens de la jeune championne, la proposition présentée à Théâtre Ouvert (texte publié chez esse que Editions) met en miroir deux combats : la lutte de la nageuse pour supporter les conditions extrêmes de la nage en eaux glacées ; la lutte d’Élise Vigier pour vaincre le cancer du sein qui l’a touchée par le passé. Le personnage que la metteuse en scène incarne dévoile, sans fard, les conséquences physiques et psychologiques des traitements qu’elle a subis. Ces mots d’une précision et d’une exigence à couper le souffle font cause commune avec le témoignage de Marion Joffle, dont Léna Bokobza-Brunet s’empare avec une justesse qui se passe d’esbroufe. Tout au long du spectacle, les deux artistes se regardent, s’écoutent, se sourient, au plus près du public, dans un dispositif de représentation trifrontal. La sororité qu’elles convoquent est très touchante. En pleine complicité, les deux artistes trouvent l’équilibre d’un geste théâtral à la fois simple et risqué. C’est la vie qui gagne, ici, soutenue par des percées d’humour, des envolées de résilience. « La beauté soigne », affirme Élise Vigier, s’adressant à son corps, « Regarde / Les paysages la mer le ciel les arbres ». Nous, nous regardons ces deux femmes. Et nous sommes émus.

Manuel Piolat Soleymat

A propos de l'événement

Nageuse de l’extrême – Portrait d’une jeune femme givrée
du lundi 16 septembre 2024 au samedi 28 septembre 2024
Théâtre ouvert
159 avenue Gambetta, 75020 Paris

Le lundi, le mardi et le mercredi à 19h30 ; le jeudi et le vendredi à 20h30 ; le samedi à 18h. Durée : 1h. Tél. : 01 42 55 55 50. www.theatre-ouvert.com.

Également à la Comédie de Caen du 7 au 9 octobre 2024, au Quai à Angers du 24 au 28 février 2025 (hors les murs) et du 13 au 16 mai, au Théâtre du Point du Jour à Lyon du 2 au 4 avril (hors les murs).

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