Cinq chants

« L’Andalousie fut-elle là ou là-bas ? Sur terre ou dans le poème ? » Cet emprunt à Mahmoud Darwich sert d’exergue à la programmation élaborée avec la fondation Royaumont. L’idée : interroger les identités composites, en proposant de mixer la musique modale du Moyen Orient (maqams arabo-trucs, radifs persans) aux idiomes plus contemporains comme le rock ou le slam. Or il se pourrait bien que ce que l’on pense inscrit dans le patrimoine du passé soit autrement plus actuel que bien des présupposées nouveautés. Toujours est-il que c’est « la parole rythmique qui traverse Cinq chants en vibrant comme une membrane sous les chocs du monde », résume fort justement Frédéric Deval, de Royaumont.

L’art de la rencontre

Pendant cinq soirs, il s’agit d’établir un dialogue, entre deux mondes, deux musiques, deux traditions, pour créer une nouvelle entité. Ni tout à fait l’un, plus tout à fait l’autre. C’est tout le propos d’Oracion (le 20), qui croise le chant andalou et l’appel du muezzin, les cordes d’un quatuor à cordes et d’un oud. Le lendemain, Sleep Song établit un pont entre l’Amérique et l’Irak, le slam de Mike Ladd et les poèmes d’Ahmed Abdul Hussein. Interzone Extended (le 22) cherche aussi une troisième voie à travers l’échange et le partage : entre la guitare de Serge Teyssot-Gay et le oud du Syrien Khaled Aljaramani, cela sonne comme une évidence. Tout comme Wasl (le 23), une création dirigée par Kamilya Jubran, avec ses deux complices Sarah Murcia (contrebasse) et Werner Hasler (trompette et électronique). Enfin, AlefBa, « oratorio de la rue » imaginé par le Belge Fabrizio Cassol, joue la carte transculturelle entre onze musiciens d’Europe, d’Égypte, de Syrie, du Liban, de Turquie, d’Irak et des Etats-Unis, à la croisée de tous les styles…

J.Denis