Kanikuly
Kanikuly, ou « vacances », en russe. Ou [...]
Avignon / 2014 - Entretien Guillaume Vincent
Après La Nuit tombe…, créé l’an dernier au Festival d’Avignon, Guillaume Vincent propose un poignant portrait de femme, qui rend compte d’une vie assujettie à la maladie mentale. Avec Emilie Incerti Formentini.
Comment est né ce projet ?
Guillaume Vincent : Ce projet – créé fin 2012 – se fonde sur une série d’entretiens que j’ai réalisés avec une jeune femme maniaco-depressive dans les cafés de la Gare de l’Est. Nous nous sommes vus plus d’une dizaine de fois pendant six mois, et après chaque rendez-vous, je transcrivais fidèlement son contenu, avec toutes les particularités du langage parlé, les hésitations, redites et autres choses qui bafouillent. Je n’avais pas nécessairement l’idée d’en faire un spectacle. Ce qui m’intéressait au départ, c’était la maladie et ses corollaires, les séjours à l’hôpital, la médicamentation, les crises. Au fil du temps les entretiens ont évolué en laissant parfois la maladie en arrière-plan, je me suis rendu compte que c’était la personne plus que la maladie qui constituait le sujet central, et cela m’a paru intéressant. J’ai coupé parmi les centaines de pages accumulées, réalisé un montage de textes et composé non pas un documentaire sur le vécu de la maladie mais un portrait de femme vivant avec cette maladie, une tranche de vie d’environ une heure.
La relation à la maladie change-t-elle au cours du spectacle ?
G. V. : Cette jeune femme avait d’abord envie d’expliquer la maladie, dans un but pédagogique. C’est une maladie qui isole beaucoup et bouleverse la vie des proches, et le spectacle rend compte de sa relation à la famille, au travail, à son mari. Elle connaît très bien sa maladie, et se définit à travers elle de manière extrêmement lucide et en même temps presque affective. Nos entretiens ont été entrecoupés par un internement, et elle a traversé diverses phases d’abord plutôt stables puis très aigues. Dans la seconde partie son état conditionne sa parole, ce qui n’est pas le cas au début.
Comment cette parole est-elle mise en scène ?
G. V. : Emilie Incerti Formentini s’est emparée de ce texte de manière vraiment virtuose, en jouant sur la double perspective de l’incarnation de cette parole et de la confrontation au public. Au centre sous le regard du public, elle demeure très exposée, dans une sorte de mise à nu et de réinvention de ce personnage de femme dans le présent de la représentation. Le dépouillement est total, sans aucun effet ou décor à part une chaise, et je suis très heureux de jouer le spectacle dans l’espace épuré de la Condition des Soies.
Propos recueillis par Agnès Santi
Avignon Off. La Condition des Soies, 13 rue de la Croix. Du 5 au 27 juillet à 14h25, relâche les 14 et 21 juillet. Tél : 04 32 74 16 49.
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