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Théâtre - Entretien

Christophe Rauck défend une dramaturgie complexe et singulière dans « Anatomie d’un suicide »

Christophe Rauck défend une dramaturgie complexe et singulière dans « Anatomie d’un suicide » - Critique sortie Théâtre Nanterre Nanterre-Amandiers - Centre dramatique national
© Géraldine Aresteanu Christophe Rauck

Nanterre-Amandiers – Centre dramatique national / Texte d’Alice Birch / traduction Séverine Magois / Mise en scène de Christophe Rauck

Publié le 20 février 2025 - N° 330

En montant Anatomie d’un suicide de l’autrice anglaise Alice Birch, c’est une dramaturgie complexe et singulière que défend Christophe Rauck. Incarnées par Audrey Bonnet, Noémie Gantier et Servane Ducorps, trois personnes d’une même famille y livrent une puissante vision du monde au féminin.

Considérée comme une voix majeure du théâtre anglais contemporain, Alice Birch est encore peu connue en France. Pourquoi, après avoir mis en scène deux textes de Sara Stridsberg et une pièce de Shakespeare, faire le choix d’Anatomie d’un suicide ? 

Christophe Rauck : C’est une pièce qui met très intensément au travail, aussi bien le metteur en scène que les comédiens. Ni moi ni eux n’avaient eu affaire auparavant à un texte pareil, qui d’emblée bouscule les habitudes : composé de trois colonnes consacrées chacune à l’un des trois personnages principaux – une mère, sa fille et sa petite-fille –, il se lit à l’horizontale comme une partition d’orchestre. Cette forme m’a d’abord intrigué et très vite passionné. La dramaturgie d’Anatomie d’un suicide autant que son écriture à proprement parler sont d’une précision et d’une force peu communes que j’ai eu l’envie de partager avec une équipe et des spectateurs.

La pièce déploie une histoire familiale sur trois générations du point de vue des femmes, ce en quoi elle trouve des échos avec l’univers de Sara Stridsberg. Y-a-t-il pour vous continuité entre ces deux écritures ?

C.R. : Toutes les deux ouvrent en effet à partir de questions propres au féminin des champs d’exploration théâtrale incroyables. En abordant des sujets qui jusque-là n’étaient pas posés ou alors de façon très marginale, elles bousculent nos représentations. Pour moi, la continuité entre Sara Stridsberg et Alice Birch se fait entre autres choses à travers ma collaboration avec Marianne Ségol-Samoy. Je la rencontre en tant que traductrice de Sara Stridsberg, et lorsque je commence à envisager une mise en scène d’Anatomie d’un suicide, il est évident pour moi de faire appel à elle en tant que dramaturge et collaboratrice artistique.

« L’expérience féminine est avant tout traitée à l’aune de choses qui structurent le quotidien. »

 Les histoires de Carol, Anna et Bonnie se tiennent à des époques différentes mais se déroulent simultanément au plateau. Comment négociez-vous avec cette apparente contradiction ?

C.R. : La langue d’Alice Birch, très ciselée et efficace, est pour beaucoup dans l’unité de cette pièce dont chaque tableau est composé de trois scènes. Cette construction impose aux dix comédiens, qui interprètent vingt-sept personnages, de beaucoup s’écouter. La moindre erreur dans l’une des scènes provoque un dérèglement de l’ensemble, ce qui est très cohérent avec le sujet de la pièce. Soit la transmission d’expériences de génération en génération, à commencer par celle de l’enfantement. Incarnées par les grandes Audrey Bonnet, Noémie Gantier et Servane Ducorps, les trois protagonistes principales ont beau appartenir à des époques différentes, elles sont traversées par des douleurs similaires. Ce qui n’empêche pas la pièce d’être par moments très drôle.

Le suicide est aussi l’un des motifs qui relient les trois protagonistes. Quel est son statut dans la pièce ?

C.R. : En effet, le poids et la tentation du suicide se transmettent d’une génération à l’autre. Toutefois ce n’est pas le sujet central de la pièce, où l’expérience féminine est avant tout traitée à l’aune de choses qui structurent le quotidien : la vie de couple, de famille… L’héritage de certains traumatismes crée dans la pièce une forme d’unité, que j’ai voulu traduire dans un espace décloisonné, où les fantômes peuvent circuler aussi librement que les femmes.

Propos recueillis par Anaïs Heluin

A propos de l'événement

Anatomie d’un suicide
du jeudi 20 mars 2025 au samedi 19 avril 2025
Nanterre-Amandiers - Centre dramatique national
7 avenue Pablo Picasso, 92000 Nanterre.

mercredi, jeudi et vendredi à 20h, samedi à 18h et dimanche à 15h. Tél. : 01 46 14 70 00. Durée estimée : 2h.

Tournée : du 15 au 23 mai au Théâtre National Populaire de Villeurbanne.

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