La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Christian Esnay

Christian Esnay - Critique sortie Théâtre
Légende : Christian Esnay

Publié le 10 janvier 2012 - N° 194

Euripide, auteur moderne et populaire

Après avoir mis en scène Iphigénie à Aulis aux côtés de Bernard Sobel, Christian Esnay s’attaque à un défi passionnant : monter une tétralogie d’Euripide, certainement le moins connu des dramaturges grecs.

Les pièces d’Euripide, à la différence de celles de Sophocle et Eschyle, sont peu montées. Pourquoi ?
Christian Esnay : La première chose qui saute aux yeux, c’est qu’Euripide ne correspond pas à l’idée traditionnelle qu’on se fait du tragique. Son théâtre est très différent de celui d’Eschyle et Sophocle, qui sont bien plus classiques. En effet, chez Euripide, il peut y avoir des moments drôles avant un épisode de grande intensité tragique. Ou bien des parties chantées, ce qui crée de la matière théâtrale. Enfin, certaines de ses tragédies se finissent bien. Et comme Euripide était un ami de Socrate, ses personnages se mettent parfois inopinément à philosopher.
Son caractère hors normes n’est-il pas aussi un gage de modernité ?
C.E : Absolument. Jacqueline de Romilly a d’ailleurs écrit sur cette modernité d’Euripide. Ce dernier attaque la religion. Et il malmène les hommes de pouvoir. Tout à l’inverse par exemple de l’Agamemnon de Racine, écrit comme figure de Louis XIV dans Iphigénie, celui d’Euripide se défile. Mais cet auteur n’en est pas davantage joué pour autant. Peut-être que son opposition aux institutions ne plait pas à tous ceux qui font le théâtre aujourd’hui, qui préfèrent Sophocle et Eschyle parce qu’ils sont plus proches du pouvoir, pour simplifier, parce qu’ils viennent de la bourgeoisie.

« Faire sentir comment se construisait le théâtre à cette époque »

Comment avez-vous opéré le choix des quatre pièces ?
C.E : Je voulais refaire ce que faisaient les Grecs, avec quatre pièces à la suite : trois tragédies et un drame satirique. Pour le drame satirique, je n’ai pas eu le choix car il n’en restait qu’un seul d’Euripide : Le Cyclope. J’ai donc décidé de choisir les trois tragédies dont l’action se suit chronologiquement à partir de la fin de la guerre de Troie. Si bien qu’on peu suivre des personnages de l’une à l’autre, comme dans une saga.

Est-ce un choix esthétique global que d’être au plus proche du modèle antique ?
C.E : Mon but n’est pas d’imiter l’original mais de faire sentir comment se construisait le théâtre à cette époque. Retrouver les conditions initiales est important, car, dans l’Antiquité, Euripide était un auteur populaire et accessible. Comme il y avait trois acteurs et un coryphée, nous travaillons ici à quatre comédiens. C’est très intéressant car on comprend ainsi beaucoup de choses sur l’écriture de ces pièces, par exemple pourquoi certains personnages centraux ont des partitions très courtes. De la même manière, nous travaillons avec très peu de décor et une volonté de faire entendre ce qui nous concerne dans le texte. Comme la syntaxe d’Euripide est très riche, avec des phrases très longues, le texte doit être joué assez rapidement, avec l’obligation pour les comédiens d’être toujours dans le concret. Au final, il faut éviter le parler naturel sans tomber dans le grandiloquent.

Propos recueillis par Eric Demey.


Tétralogie d’Euripide, mise en scène de Christian Esnay, du 21 janvier au 5 février. Les 26 et 27 : Hécube et Hélène. Les 2 et 3 : Oreste et Le Cyclope. Intégrale les samedis à 15h30, les dimanches à 13h. Théâtre de Chatillon, 3 rue Sadi Carnot à Châtillon. Tél : 01 55 48 06 90.

A propos de l'événement


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