Choré
Grimaldi Forum
Chorégraphie Jean-Christophe Maillot / Ballets de Monte Carlo
Publié le 6 mai 2013 - N° 209
La nouvelle création de Jean-Christophe Maillot aborde l’histoire de la danse sur un ton faussement léger : smoking et brillantine cachent les turpitudes du siècle dernier, racontées dans les gestes vaporeux et délicats des comédies musicales américaines.
Si Jean-Christophe Maillot a déroulé le fil de cette création tout au long de cinq séquences très différentes, le seul premier tableau porte en lui-même tous les enjeux du spectacle : l’art de la citation via des danses importées, l’aller-retour entre l’abstraction et la narration, la tension impalpable d’un présage funeste, et l’affirmation de la danse, malgré tout. La scène s’ouvre sur un couple, tiré à quatre épingles. Couleur sépia, ils virevoltent, comme l’auraient fait Ginger et Fred, posant leurs pas dans ceux de la valse ou du fox trot, brillant « Cheek to Cheek » par leur insouciance et leur seul plaisir de danser. Dans leurs traces évoluent leurs doubles : c’est là que résonne toute l’ambivalence du spectacle, offrant à ces ombres noires toute la place à l’inquiétude, dans une présence angoissante que l’on retrouvera par touches éparses dans le spectacle. Les funèbres silhouettes hantent la danse du couple qui se démultiplie jusqu’à en provoquer l’effondrement. Subrepticement les femmes titubent, se redressent malgré tout. L’arrivée d’un matelot signe la renaissance des corps et la persistance de la danse, qui revêt les habits de Gene Kelly comme de Jerome Robbins dans les meilleures heures de l’entertainment. La volonté affichée de Jean-Christophe Maillot sur Choré ne fait aucun doute : s’appuyer sur l’histoire de la comédie musicale, qui traverse le XXème siècle, pour raconter la folie de l’homme, la cruauté de ses actes, et un monde dévasté. Quoi d’autre que la danse pour se sentir encore vivant ?
La grâce et l’horreur se télescopent
Pour ce faire, le chorégraphe s’est entouré de collaborateurs précieux qui signent chacun un aspect du spectacle. Les textes de Jean Rouaud disent la nécessité de la danse, convoquent la mort et les figures fantomatiques pour mieux affirmer « qu’après la danse, il y a encore de la danse ». Philippe Guillotel aux costumes offre un voyage à travers les couleurs du cinéma, entre illustration et abstraction, tandis que les compositions musicales originales se télescopent, entre Elfman et Cage. L’art de Jean-Christophe Maillot est d’avoir réuni ces créateurs autour d’une idée commune : faire feu de tout bois, utiliser histoire, références, images et mélange des genres pour faire se frotter la grâce et l’horreur. Les plumes et les jambes des girls laissent place à la cendre puis aux corps qui flottent. Fallait-il tous ces artifices, fallait-il l’excès d’une théâtralité surannée ou d’une morne abstraction pour entrer profondément dans le propos de Choré ? Avec le tableau d’ouverture tout en ambivalence et le finale explosif et radieux, la pièce possède déjà l’essentiel de son discours. Entre les deux, un tourbillon illusoire pour la beauté du geste.
Nathalie Yokel
A propos de l'événement
Grimaldi ForumLa compagnie des Ballets de Monte Carlo, Place du Casino MC 98000 Monaco.
La compagnie des Ballets de Monte Carlo : Place du Casino MC 98000 Monaco. Tel: +377 98 06 28 55 Fax: +377 98 06 28 59. www.balletsdemontecarlo.com Spectacle vu au Grimaldi Forum, Monaco. Tournée à suivre.