La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Chat en poche

Chat en poche - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Artistic Athévains
Chat en poche de Feydeau mis en scène par Anne-Marie Lazarini. © Marion Duhamel

Reprise / Théâtre Artistic-Athévains / de Georges Feydeau / mes Anne-Marie Lazarini

Publié le 28 octobre 2014 - N° 237

Anne-Marie Lazarini met en forme l’implacable folie de cette comédie de Feydeau avec une belle maîtrise et une jubilation rigoureuse. Une réussite ! 

« Une engeance frappée de démence » : c’est ainsi qu’Anne-Marie Lazarini qualifie les personnages de cette pièce de jeunesse de Feydeau, écrite à l’âge de vingt-six ans, et déjà orchestrée de main de maître. C’est justement cette folie totale qui intéresse la metteure en scène, une folie inscrite dans la langue même qui se déploie à chaque instant au cœur de situations ordinaires, selon une implacable mécanique savamment réglée. Du bel ouvrage où fusent de courtes et frappantes répliques, où surgissent sans ambages l’incongru et le loufoque. Pas question de cocufiage, sont à l’œuvre une cascade de quiproquos, un imparable engrenage révélant toute la bêtise et la prétention de cette société bourgeoise infatuée d’elle-même. La mise en scène réussit admirablement à mettre en forme cette folie, dompte et organise le chaos dévastateur avec une verve percutante, joyeuse et précise : la démence ici n’a rien d’hystérique, elle est au contraire remarquablement tenue et maîtrisée. Rappel des faits : Pacarel, bourgeois de la capitale, aspire à un renom artistique en faisant jouer à l’Opéra le Faust que sa fille a réécrit d’après Gounod. Pour ce faire, il engage Dujeton, un ténor renommé venu de Bordeaux. Le jeune homme qui ensuite entre en scène, accueilli en grande pompe dans cette « maison de fous » – selon ses propres termes – n’est pas le ténor attendu, mais le fils de son ami Dufausset venu faire son droit à Paris. Le malentendu persiste jusqu’à la fin, et entraîne d’irrépressibles réactions en chaîne.

Partition de la déraison

Anne-Marie Lazarini dirige avec talent et habileté la galerie des personnages déboussolés, prisonniers d’une idée fixe ou de pulsions, trop préoccupés d’eux-mêmes pour reconnaître l’évidence de la réalité. Ils se parlent sans s’entendre, se fourvoient allègrement. Quels réjouissants personnages féminins, toutes toquées du jeune ténor ! Excellents, les acteurs forment un chœur où chacun joue sa propre partition de la déraison et s’accorde aux autres de façon totalement naïve, farfelue et… comique. Un comique saisissant, vif et net, où les protagonistes écartent prestement le réel pour s’engouffrer dans d’ahurissants fantasmes. Afin de souligner cette tonalité absurde voire surréaliste, la scénographie de François Cabanat, complice de longue date de la metteure en scène, figure un appartement de guingois, qui vacille autant que les esprits, avec un mobilier bariolé tout droit sorti d’un conte rêvé et un piano tapi en fond de scène dans une antre onirique. Nourri par la metteure en scène et sa belle équipe – Dimitri Radochévitch, Jacques Bondoux, Sylvie Pascaud, Frédérique Lazarini, Giulia Deline, David Fernandez et Cédric Colas -, ce Chat vigoureux, facétieux et bien proportionné est un excellent moment de plaisir théâtral.

Agnès Santi

A propos de l'événement

Chat en poche
du mardi 10 novembre 2015 au jeudi 31 décembre 2015
Théâtre Artistic Athévains
45 Rue Richard Lenoir, 75011 Paris, France

Tél :  01 43 56 38 32.

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