Le Méridien
Tournée / d’après Paul Celan / projet de et avec Nicolas Bouchaud / mes Eric Didry
Publié le 26 octobre 2015 - N° 237Nicolas Bouchaud, Eric Didry et Véronique Timsit continuent leur fructueuse collaboration artistique pour un troisième spectacle autour du Méridien, de Paul Celan. Une magistrale leçon d’interprétation.
Impérial et humble, tout au théâtre et comme débarrassé de ses entraves, libre comme on l’est seulement quand on est au sommet de la maîtrise, tel est Nicolas Bouchaud dans son interprétation des textes de Paul Celan. Le comédien a depuis longtemps aguerri cette manière qui caractérise son jeu et qu’il partage avec quelques grands acteurs dont le talent confine au génie : transcender les limites de l’interprétation par l’immédiat de la simple présence. Qui dit le texte, qui voit-on sur scène ? Celan ressuscité, Bouchaud lui-même, l’acteur, le poète ? Tous ceux-là et, en même temps, aucun d’entre eux seulement. Le poème lui-même, plutôt, et les paysages qu’il fait naître, avec l’évidence qui faisait dire à Malraux que « les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du monde, ils en sont les rivaux ». La poésie de Celan se prête particulièrement bien à cet exercice de très haute voltige, défi immense pour l’acteur ; et quand Bouchaud dit la Fugue de la mort, on boit le « lait noir de l’aube » comme rarement le calice en fut présenté.
Acteur pneumatique
En choisissant Le Méridien, moins abscons que le reste de la poésie de Paul Celan, l’équipe du spectacle s’abrite derrière une apparente narrativité, mais l’interprétation et la mise en scène en dynamitent la réceptivité, permettant au poème de surgir entre les lignes du discours sur la poésie. Celan rend hommage à Büchner dans ce texte écrit à l’occasion de la remise du prix reçu en 1960, à Darmstadt. Devant un auditoire dont les membres faisaient semblant d’oublier que l’art peut s’accommoder du pire, Celan dit la poésie comme retrouvaille avec l’être. Bouchaud le répète à un auditoire auquel il rappelle que d’aucuns traversent encore la mer pour fuir l’horreur, sans être accueillis et consolés en leur détresse. Le comédien parvient à actualiser les mots du poète, en les vivifiant, à l’instar de ces « acteurs pneumatiques » dont parle Novarina, qui savent « refaire l’acte de faire le texte » et le « réécrire » avec leur corps. La mise en scène installe les mots au plateau, le blanc de la craie les dessinant sur l’ardoise du sol et l’éponge les faisant surgir derechef sur la poussière de leur apparition. Nicolas Bouchaud réalise alors le miracle inexplicable de la messe comédienne : le poème, vivant, est le seul rempart contre les forces de mort.
Catherine Robert
A propos de l'événement
Le Méridiendu mardi 27 octobre 2015 au samedi 7 novembre 2015
Théâtre Vidy-Lausanne
Avenue Emile-Henri-Jaques-Dalcroze 5, 1007 Lausanne, Suisse
En novembre, le 3 et le 5 à 19h ; le 4 et le 6 à 20h ; le 7 à 17h. Tél. : +41 21 619 45 45. Théâtre d’O, 178, rue de la Carriérasse, 34090 Montpellier. Les 10, 12, 13 et 14 novembre à 20h. Tél. : 08 00 20 01 65. Théâtre du Rond-Point, 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris. Du 25 novembre au 27 décembre. Du mardi au samedi à 20h30 ; le dimanche à 15h30 ; relâche le 29 novembre et le 25 décembre. Tél. : 01 44 95 98 21. Spectacle vu au Théâtre National de Strasbourg. Durée : 1h30.