La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon / 2010 - Entretien Serge Barbuscia

Célébrer la force de vie au cœur de la tourmente

Célébrer la force de vie au cœur de la tourmente - Critique sortie Avignon / 2010

Publié le 10 juillet 2008

Serge Barbuscia, unique interprète de ce spectacle qui exerce une mémoire nécessaire autant qu’il rend hommage à la force de la vie au cœur de l’horreur, associe Les 7 dernières Paroles du Christ en croix de Josef Haydn et Si c’est un homme de Primo Lévi, avec les toiles projetées de Sylvie Kajman.

Pourquoi avez-vous voulu associer Les 7 dernières Paroles du Christ en croix de Josef Haydn et Si c’est un homme de Primo Lévi dans ce spectacle ?
 
Serge Barbuscia : Je suis parti de l’oeuvre de Haydn, au départ écrite pour orchestre et chœur, puis pour quatuor, et enfin transcrite pour piano, c’est cette dernière version que j’ai choisie, interprétée par Roland Conil, et qui me touche beaucoup. La solitude de l’interprète correspond à la solitude de Primo. Mais ce n’est pas un travail de récitant avec un piano. C’est un spectacle total, à aucun moment l’œuvre musicale n’accompagne l’œuvre de Primo Lévi. Ce sont deux paroles solitaires qui se rencontrent. Je me suis aperçu que quelque chose d’étonnant et de bouleversant rapprochait le supplice du Christ et celui de Primo Lévi. Au plus fort de leur souffrance tous les deux disent “j’ai soif“. Nous sommes face à deux passions, où l’une est mystique, mais où tout devient profondément humain et dépasse le côté mystique. Ce qui est très fort, c’est que le Christ et Primo Lévi n’expriment aucune haine envers leurs bourreaux. Ils témoignent de ce qu’ils ont vécu. Le Christ commence par “Pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font“ et Primo Lévi par “Comment peut-on frapper un homme sans colère ?“. La même idée les traverse : la surprise de se trouver tout à coup face à un homme qui devient son bourreau.
 
Comment avez-vous conçu l’espace ?
 
S. B. : J’aime beaucoup les œuvres métissées, nées de rencontres, et j’aime rapprocher divers matériaux, tels texte, musique et peinture, souvent les trois éléments avec lesquels je travaille. J’avais besoin d’un univers pictural. Sylvie Kajman nous a amené un matériau vraiment intéressant, donnant vie à diverses rencontres d’images, et le spectacle est ponctué d’une multitude de signes qui touchent les spectateurs. Le corps, les images et la musique se répondent. La scénographie ainsi réunit et lie véritablement les trois œuvres. Et pendant de longs moments de silence, c’est le corps qui parle.
 
Le spectacle a-t-il valeur de témoignage ?
 
S. B. : Il est nécessaire de témoigner pour rappeler que les camps d’extermination ont existé et ne doivent plus jamais exister. Car hélas de tels basculements dans l’horreur ne sont pas complètement obsolètes. Mais je n’avais pas envie d’images d’archives. Au contraire je voulais montrer qu’il restait malgré tout, malgré la souffrance physique du supplice de la croix, très fréquent à l’époque, et malgré la mort omniprésente dans les camps, une volonté et une force absolue de vie.

Propos recueillis par Agnès Santi


 

J’ai soif, conception et interprétation Serge Barbuscia, du 7 au 31 juillet à 17h30 au Théâtre du Balcon, 38 rue Guillaume Puy. Tél : 04 90 85 00 80.

A propos de l'événement


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