La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Ce qui nous regarde

Ce qui nous regarde - Critique sortie Théâtre Noisiel La Ferme du Buisson
Ce qui nous regarde sera à la Ferme du Buisson CR : Vincent Arbelet

La Ferme du Buisson / conception et mes Myriam Marzouki

Publié le 25 octobre 2016 - N° 248

Le port du voile est au cœur de bien des polémiques, parmi les plus vigoureuses qui agitent la société française depuis le début du siècle. Myriam Marzouki porte le sujet sur scène de manière à faire douter chacun.

Le doute est un réflexe primordial, préalable indispensable à toute réflexion philosophique. Myriam Marzouki le sait bien, qui partage son temps entre l’enseignement de la philosophie et le théâtre. Cette femme « athée et féministe », comme elle se qualifie elle-même dans le spectacle, est aussi fille et petite-fille de femmes qui se sont un jour couvert les cheveux, ainsi qu’en témoignent ces vieux clichés qu’elle projette au tout début de Ce qui nous regarde. « Je me sens liée à toutes ces femmes » explique-t-elle en voix off à propos des photos familiales. Et son désir de créer ce spectacle a sans doute été attisé à la fois par cette histoire personnelle, par la complexité de la question du voile et par le déchaînement des discours intolérants de tous bords qui traversent ce débat, le plus souvent dans une grande déconsidération des femmes concernées. Pour s’opposer aux simplismes, Ce qui nous regarde est allé pêcher du côté des textes – Saint Paul, Pasolini, Despentes et bien d’autres –, de la peinture et des documents vidéo un attirail surprenant et judicieux qui prend à contre-pied toute représentation figée. Myriam Marzouki y a ajouté des saynètes inspirées du quotidien ou de l’actualité pour un spectacle à la forme originale, qu’elle veut proche de « l’essai poétique » tel que le définit Pasolini.

Démultiplier les points de vue

Disons-le tout de suite, le résultat en ce jour de première au festival Théâtre en mai à Dijon est inégal. Certains moments tournent à vide, peut-être parce que l’intention y est trop lisible, et le discours peine à se transformer en fiction crédible. Mais d’autres fonctionnent à plein, parfois soutenus par la musique live de Rayess Beck. Entre un père gauchiste et sa fille qui se voile pour opérer avec lui « une conjonction des valeurs », un texte de Saint Paul qui ordonne de se couvrir la tête, les images photographiques et picturales qui replacent le voile – ou le foulard, ou le fichu, comme on voudra – dans la panoplie des attributs traditionnels des femmes, ou encore le très réussi monologue de Louise Belmas qui met en balance le « contrôle commercial » et le « contrôle patriarcal », l’injonction d’être sexy et celle de se voiler, le spectacle donne sans cesse à penser, en renversant les focales bien établies et en démultipliant les points de vue. Un exercice pour la pensée mais aussi pour le théâtre, qui tente ici d’explorer des formes nouvelles dans une perspective à la fois documentaire et réflexive.

Eric Demey

A propos de l'événement

Ce qui nous regarde
du samedi 19 novembre 2016 au dimanche 20 novembre 2016
La Ferme du Buisson
Allée de la Ferme, 77186 Noisiel, France

Le 19 novembre à 18h, le 20 novembre à 15h dans le cadre du festival « les Enfants du désordre ». Tel : 01 64 62 77 00. Durée : 1h30. Spectacle vu au festival théâtre en mai à Dijon.

Les 22 et 23 novembre à la Comédie de Valence, du 4 au 6 janvier à la Comédie de St-Etienne, du 24 janvier au 9 février à L’Echangeur à Bagnolet, dans le cadre de la programmation de la MC93 hors les murs, le 11 février à la Comédie de Reims, du 15 au 17 au théâtre nouvelle génération à Lyon.

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