Oui, l’Afrique danse !
Et oui, le corps diffuse une pensée [...]
Avignon / 2017 - Entretien / Chantal Morel
Au Théâtre Artéphile, l’équipe réunie par la metteure en scène Chantal Morel croise un roman d’Antoine Choplin (La Nuit Tombée) et la pensée de Günther Anders. Un travail collectif, à hauteur d’hommes, qui mène jusqu’à la zone interdite de Tchernobyl.
« Ce quelque chose qui est là… est né d’un chantier où les fonctions de chacun ont été remises en question. Nous n’étions pas ensemble parce que nous savions sur quoi nous allions travailler, mais pour le découvrir, dans une pensée et une responsabilisation communes. Des livres ont été amenés par chacun, suivant un désir, une intuition. La parole s’est donnée, s’est prise… Petit à petit, sans s’en rendre compte, nous nous sommes mis à parler de quelque chose, d’une sorte de lumière incertaine venue de “notre en-commun”. Nous avons fait des hypothèses. Ensuite, il y a eu une émission de radio : Philippe, garde forestier, pleurait le suicide de son collègue de travail, le mal fait à la forêt… Il y a eu, aussi, le roman de Ramuz, La grande peur dans la montagne, qui a évoqué l’image des décontaminateurs au comédien François Jaulin. C’est cette image qui a provoqué la réminiscence de La Nuit tombée d’Antoine Choplin. Et puis, nous connaissions Nous fils d’Eichmann de Günther Anders, penseur de l’âge atomique. Soutenus par la force de cette pensée sur le totalitarisme technique, nous avons cherché à extraire le théâtre d’une vision idéale, abstraite ou démonstrative, qui tend vers le héros, le surhomme, au profit de la présence et du vécu, qui tend vers l’être humain.
Le toucher plutôt que la vision
Dans cette approche, l’acteur joue, prête sa peau et son âme à celui qui était sur le toit du réacteur, à Tchernobyl, quand l’incendie faisait rage. C’est tout. Il souffre ? Oui. Il va mourir ? Oui. Il est fou de joie de revoir son ami ? Oui. Il aime la soupe ? Oui. Et tant d’autres choses… Ce spectacle étant le résultat d’un travail commun et de la relation réelle, vivante, entre les comédiens Roland Depauw et François Jaulin, les questions soulevées par le texte d’Antoine Choplin se sont posées à chacun d’entre nous. Faut-il montrer les dégâts de la contamination décrits dans La Nuit tombée ? La puissance d’un acteur permet la mise en mouvement de l’imaginaire – imaginaire qui reste inerte face aux commentaires, aux discours médiatiques, aux constructions idéales… L’acteur qui joue, qui se met à la place, qui éprouve, ouvre la voie au spectateur et à la suggestion. Il accomplit l’impossible représentation, celle qui ne relève pas de la vision mais du toucher… »
Propos recueillis par Manuel Piolat Soleymat
à 16h45. Relâche les 12,19 et 26 juillet. Tél. : 04 90 03 01 90.
Et oui, le corps diffuse une pensée [...]