Candide qu’allons-nous devenir ?
L’esprit d’incessante innovation d’Alexis [...]
Né de l’amour immense du pianiste classique Alexandre Tharaud pour Barbara, ce spectacle minimaliste pour voix et piano est aussi le fruit d’une rencontre rare entre le pianiste et Juliette Binoche. « J’ai l’impression d’avoir rencontré mon frère » déclare-t-elle. « Il y a en elle une dimension vertigineuse qui fait immédiatement écho à l’extrême sensibilité de Barbara » complète-t-il.
Pour l’essentiel conçu sur des textes de Barbara, la plupart issus de Il était un piano noir…, son récit autobiographique inachevé paru en 1997 (un an après sa disparition), mais aussi de chansons, ce spectacle à quatre mains réunit la comédienne Juliette Binoche et le pianiste classique Alexandre Tharaud. L’un et l’autre, chacun à leur façon, ont entretenu et entretiennent encore avec la chanteuse en noir un lien émotionnel très intense. Alexandre Tharaud, à l’origine de ce projet qui fait naître l’une des créations les plus singulières et attendues de cette édition se souvient : « Jusqu’à mes dix-sept ans, je l’écoutais des heures, la nuit, dans mon walkman d’adolescent. En 1987 s’est produite la véritable rencontre, au Théâtre du Châtelet. J’étais foudroyé. Elle s’est avancée vers nous, vers moi, a touché juste, là, au fond de mon ventre, et s’y est installée pour la vie. Une telle présence, même depuis la scène, peut changer une vie, j’en suis témoin ». Juliette Binoche elle aussi reconnaît avoir été subjuguée par Barbara : « La scène était un lieu de communion avec Barbara, étrange opération qu’elle savait mener du bout des doigts. Après le spectacle, arrivée dans sa loge, elle s’est précipitée sur moi comme un papillon, et ses bras m’ont entourée comme du bon pain. Elle était libre, directe, amoureuse de la vie et virevoltante. Plus tard, j’ai écrit une courte lettre, quelques mois avant sa disparition. Elle m’a répondu, je garde sa carte précieuse comme un talisman » confie la comédienne.
Faire triompher la vie
Mais si ce spectacle est bien né du manque, de ce silence resté en suspens depuis le triste jour du 24 novembre 1997, parions qu’il ne sonne ni comme un hommage affecté de fans nostalgiques, ni comme une célébration empesée… Artistes accomplis, complexes et magnétiques, Binoche et Tharaud, au diapason de leur inspiratrice, souhaitent d’abord faire triompher la vie, la consolation et l’espoir, la joie d’être sur scène, vaille que vaille, « Vaille que vivre » pour emprunter au titre de ce spectacle, lui-même cueilli au cœur de la sublime chanson « Le mal de vivre ». « Les derniers mots que Gérard Depardieu nous faisait partager l’hiver dernier à la fin de son spectacle, en remerciant Barbara « de ses mots qui consolent », m’ont fait vraiment prendre conscience qu’elle a su se mettre à nu, elle a su nous aider à vivre avec ce face-à-face courageux qu’elle a eu avec elle-même. Quand, à la fin de son livre inachevé Il était un piano noir, elle écrit : « Mais, malgré mon isolement, malgré ce long deuil que je venais de commencer, au terme de ma belle et intense vie de nomade, j’étais une femme heureuse », elle nous confie que ce bonheur, elle l’a gagné. Ses ombres sont devenues lumière, ses velours noirs sont devenus soleils. Vaille que vivre est cette émergence au fond du noir le plus intense » conclut Juliette Binoche.
Jean-Luc Caradec
Les 23, 24, 25 et 26 juillet à 22 h. Tél : 04 90 14 14 14. Durée estimée : 1h30.
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