Catherine Hiegel met en scène « La Serva amorosa » trente ans après en avoir interprété le rôle-titre. Une comédie enlevée servie avec maestria !
Théâtre de la Porte Saint-Martin / texte de Carlo Goldoni / mise en scène de Catherine Hiegel
Publié le 28 septembre 2024 - N° 325Catherine Hiegel met en scène La Serva amorosa trente ans après en avoir interprété le rôle-titre. Elle réunit une pléiade d’excellents interprètes qui servent avec maestria cette comédie enlevée.
La servante au grand cœur que jalousent et raillent ceux qui ne la désirent pas et que respectent ceux qui n’en ont pas peur, couve l’enfant grandi de son œil maternel. Elle a quitté la maison familiale avec lui quand il en a été chassé par son barbon de père, manipulé par une mégère avide. Cette dernière espère détourner l’héritage au profit de son propre rejeton, benêt magnifique, que campe avec brio Tom Pezier, véritable révélation comique de ce spectacle. Isabelle Carré reprend le rôle qu’interpréta Catherine Hiegel sous la direction de Jacques Lassalle. Sa Coraline est franche et probe, machiavélique et tendre, persuadée que la justice immanente finit toujours par récompenser la vertu. La comédienne la nourrit d’un touchant mélange de bon sens et de séduction : elle est belle comme le sont les femmes qui ne cherchent pas à l’être et les comédiennes qui s’en défendent. Le reste de la troupe gravite autour de ce personnage fascinant qui organise l’intrigue avec un franc-parler sidérant d’intelligence, qui fait particulièrement merveille dans la scène où elle force et accélère l’amour entre Rosaura et Florindo (excellents Antoine Hamel et Ombeline Guillem, jeune première prometteuse, apprentie du Studio-ESCA).
Femme puissante aux alliés valeureux
Catherine Hiegel a fait appel à de solides talents pour interpréter sa version de la pièce de Goldoni. Jackie Berroyer est épatant en vieux licencieux et égoïste affublé d’une épouse retorse (décapante Hélène Babu). Olivier Cruveiller, Jérôme Pouly et Stanislas Stanic prouvent avec leur habituelle aisance que les femmes intelligentes peuvent trouver des alliés chez les hommes honnêtes quand il s’agit de défaire les méchants : l’esprit est affaire de cœur plutôt que de sexe. Jeremy Lewin (poétique Arlequin) et Victor Letzkus-Corneille complètent cette distribution de très bon aloi qui mène la comédie tambour battant. Les décors de Catherine Rankl soutiennent le rythme grâce à leur ingénieux changement à vue. La beauté de leur facture et celle des costumes de Renato Bianchi contribuent à faire de ce spectacle une des meilleures découvertes de cette rentrée théâtrale. Si la dernière tirade de l’astucieuse servante fait apparaître que les filles peuvent être aussi malines que Scapin, aussi généreuses que Cyrano et aussi lucides que Figaro, elle prouve surtout que celles qui travaillent à guérir les égarements du monde, comme Coraline, l’emportent à la fin sur celles qui n’ont que leurs simagrées pour diriger la maison, comme Béatrice. Victoire des femmes, peut-être ; victoire, surtout, de l’intelligence sur les matrices.
Catherine Robert
A propos de l'événement
La Serva amorosadu mercredi 25 septembre 2024 au mardi 31 décembre 2024
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin, 75010 Paris
Du 25 septembre au 31 décembre 2024. Du mercredi au vendredi à 20h ; samedi à 16h et 20h30 ; dimanche à 16h. Tél. : 01 42 08 00 32. Durée : 2h30 avec entracte