La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

Carco ou le Verlaine de la rue

<p>Carco ou le Verlaine de la rue</p> - Critique sortie Théâtre

Publié le 10 avril 2007

Emaillant la trame narrative de L’Homme traqué de musiques et de
chansons, Dominique Michel et Thierry Ravassard font renaître les soleils
mélancoliques et boueux de Carco.

Lampieur, garçon boulanger taciturne et bourru dont les rêves sont trop à
l’étroit dans sa misère ouvrière, devient l’assassin minable de la concierge de
la maison voisine à laquelle il dérobe l’argent des loyers du trimestre. Le
crime serait parfait si Léontine, la petite putain au c’ur d’amadou n?avait pas
remarqué l’absence de Lampieur le soir du meurtre. Mais Léontine se tait?
Pourquoi ? Le mystère de ce silence taraude le malheureux boulanger davantage
encore que le remords. Ponctuant le récit de L’Homme traqué de portraits
en chansons extraits de La Bohême et mon c’ur, Dominique Michel prête
corps et voix à l’univers pathétique et réaliste, poisseux et mélancolique,
impertinent et savoureux de Carco, fait d’ouvriers exploités, de truands
pathétiques, de bignoles rogues et de gagneuses tragiques, filles perdues que
seule la misère a poussées au ruisseau et qui hurlent au visage d’une Vierge
comme toujours sourde aux prières des petits, la douleur des roulures glissant
sur les pentes scabreuses des trottoirs montmartrois.

Voyage musical entre naturalisme et lyrisme

Thierry Ravassard, du piano et parfois de la voix, accompagne et complète
l’univers chromatique animé par Dominique Michel, dilatant l’existence des
personnages par l’évocation musicale ou resserrant le drame en en
approfondissant les effets. Entre la parole et le chant soutenus en contrepoint
par une bande sonore évoquant l’atmosphère du récit, les deux artistes, dirigés
par Jean-Pierre Jourdain, ressuscitent Carco, ce romancier de l’aventure urbaine
à la veine poignante et blagueuse, réaliste et rêveuse, cet auteur singulier et
ses personnages à la débine glorieuse, aux espoirs inassouvis et à la nostalgie
aigre-douce. Dans l’ambiance feutrée du Théâtre de l’Atalante, dont la
profondeur évoque au mieux la cave et le pétrin mental de l’assassin torturé, au
c’ur de cette Butte où coulèrent le vin et le sang, Dominique Michel et Thierry
Ravassard pérégrinent entre poésie et mystère parmi les fleurs sublimes et
terrifiantes nées du terreau de la misère.

Catherine Robert

Carco ou le Verlaine de la rue, cabaret d’après L’Homme traqué et
des emprunts à La Bohême et mon c’ur, de Francis Carco ; mise en scène de
Jean-Pierre Jourdain. Du 14 mars au 14 avril 2007. Tous les jours à 19h ;
relâche le mardi. Théâtre L’Atalante, 10, place Charles-Dullin, 75018 Paris.
Réservations au 01 46 06 11 90.

A propos de l'événement


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