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Théâtre - Critique

Avec « Truffaut Correspondance », David Nathanson nous fait revivre un homme, une époque et le plaisir épistolaire

Avec « Truffaut Correspondance », David Nathanson nous fait revivre un homme, une époque et le plaisir épistolaire - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre Le Lucernaire
David Nathanson incarne François Truffaut au Lucernaire CR : Luca Lomazzi

Le Lucernaire / D’après des lettres de François Truffaut / Mise en scène de Judith d’Aleazzo et David Nathanson

Publié le 25 septembre 2024 - N° 325

Portrait de François Truffaut écrivant, Truffaut Correspondance n’ambitionne pas de percer les secrets du célèbre cinéaste mais fait revivre un homme, une époque et le plaisir épistolaire.

Cela fait 40 ans que François Truffaut est mort, précocement, à 52 ans. David Nathanson reprend un spectacle créé il y a 2 ans, qu’il a construit autour de la correspondance du cinéaste. Le spectacle a donc un goût d’autrefois, d’un temps où l’écrit pouvait être une langue à part entière, où l’épistolaire flirtait avec la littérature, bien loin de la facture actuelle des communications numériques. David Nathanson campe d’ailleurs un Truffaut vintage, costumes et salon d’intérieur qui sentent bon l’après-guerre tirant sur les années 1970, accompagné au piano par Antoine Ouvrard et Pierre Courriol en alternance. Dans ses échanges, s’il ne mâche pas ses mots – accusant par exemple Godard de se comporter « comme une merde » – il peut aussi manier l’humour, comme pour soutenir Alain Souchon, ou faire montre d’un bel art rhétorique lorsqu’il s’agit de s’adresser aux autorités. Intime, artistique, politique, le portrait qui s’élabore à partir de ces lettres est forcément partiel et partial. Il s’effectue par touches successives, qui donnent généralement le beau rôle à l’artiste. C’est une déclaration d’amour bien davantage qu’un biopic.

Madeleines de Proust

Truffaut qui répond à tous  ses courriers. Truffaut qui ne ménage pas les puissants. Truffaut qui s’engage pour la liberté d’expression tout en évitant l’écueil de l’artiste engagé. Truffaut intègre. Truffaut fidèle (aux Bazin qui l’ont sauvé et recueilli). Truffaut intime également, rejeté par ses parents, qui deviendra un père drôle et aimant. Les touches de couleur que produisent ces lettres laissent quand même pas mal de zones d’ombres, tiennent à l’écart tout côté obscur du personnage. Ses relations avec les femmes. Ses tentatives de suicide. On regrette un peu que le portrait ne soit pas plus complexe mais on ne sait si sa correspondance le permettait. Et puis, ce n’est sans doute pas là l’objectif du spectacle. À travers cette succession d’échanges que Nathanson porte avec sobriété et finesse, on retraverse surtout un passé qui n’en finit pas de s’éloigner. Une époque où la culture vit encore sous tutelle de l’État, où les grands noms se côtoient. Bazin, Truffaut, Godard, Dorléac et bien sûr Doisnel. Une époque où l’Amérique fait encore rêver la France. Avec ses mélodies qui se succèdent au piano évoquant les plus célèbres des films de Truffaut, le spectacle multiplie les madeleines de Proust, et, dans une douce nostalgie, nous imprègne de l’atmosphère d’un autre temps, où les lettres pouvaient servir longuement à se dire et à dire le monde.

Eric Demey

A propos de l'événement

Avec « Truffaut Correspondance », David Nathanson nous fait revivre un homme, une époque et le plaisir épistolaire
du mercredi 18 septembre 2024 au dimanche 10 novembre 2024
Théâtre Le Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris

du mardi au samedi à 19h, le dimanche à 15h30. Tel : 01 45 44 57 34

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