Roland Auzet adapte « Le Mage du Kremlin » de Giulano da Empoli
La Scala Paris/ D’après le texte de Giulano da Empoli / Mise en scène de Roland Auzet
Publié le 25 septembre 2024 - N° 325Un fond trop dense et décousu pénalise l’adaptation par Roland Auzet du Mage du Kremlin, roman qui tente d’appréhender l’histoire politique récente de la Russie de manière parfois stéréotypée.
Au départ, c’était un roman de l’italien Giulano da Empoli paru chez Gallimard, couronné en 2022 par l’Académie française, grand succès de librairie, dont le chercheur Antoine Nicolle a critiqué dans le quotidien Le Monde l’ambiguïté qu’il maintenait entre fiction et réalité sur fond de stéréotypes d’imagerie russe. Le Mage du Kremlin raconte par la coulisse l’ascension de Vladimir Poutine en Russie. De la fin de Boris Eltsine, quand Poutine n’aspire pas à prendre le pouvoir, à l’autocrate actuel et toutes les menaces qu’il fait peser sur le monde. L’idée générale est que le pantin des oligarques et faiseurs de roi a échappé à ceux qui l’ont porté à la tête de la Fédération, le tout finissant sur la dystopie d’un temps où les machines, et non plus les hommes, seconderont ceux qui ont le pouvoir et, n’étant pas capables de trahisons, les rendront invincibles. D’un épais ouvrage, Roland Auzet a fait une pièce d’une heure quarante qui s’éparpille beaucoup trop dans le fond, véhicule une imagerie convenue, si bien qu’elle ne fait pas beaucoup avancer dans l’appréhension de ce qui se passe depuis le début du siècle du côté de Moscou.
Inéluctabilité de la situation
L’action tourne autour d’un fictif Vadim Baranov, personnage inspiré du bien réel Vladislav Sourkov, homme de l’ombre qui prend part aux premières manigances et analyse avec de plus en plus de distance, Poutine s’autonomisant, l’évolution de la situation politique. Interprété par le classieux Philippe Girard, le personnage est par ailleurs impliqué dans une histoire personnelle, avec sa femme et sa fille, dont on comprend mal les contours si bien qu’on peine à vraiment s’y intéresser. Autour de lui apparaissent quelques figures de la politique russe. Incarné par le bonhomme Hervé Pierre, l’homme d’affaires progressivement devenu opposant à Poutine, Boris Berezovsky. Le punk fantasque Limonov, rendu célèbre par Emmanuel Carrère. Ou encore le célèbre Prigojine, ex-chef de la milice Wagner, qui a payé au prix fort sa rébellion contre le nouveau tsar. Quelques événements refont surface également. La guerre en Tchétchénie. Le naufrage du sous-marin Koursk. Le fou rire de Clinton avec Eltsine ou les relations tendues avec l’Ukraine. Pêle-mêle, ces quelques échantillons hétéroclites n’arrivent pas à construire un sens hors le vague sentiment d’une inéluctabilité de la situation, histoire et âme russes aidant. Le tout est bruyant, entrecoupé de flashs lumineux et crépitants qui séparent les scènes, dans une succession de dialogues où s’accumulent des propos sentencieux qui alourdissent le propos. Le tout agrémenté de quelques répliques en russe et de raps gueulards, dans une scénographie froide et mécanique, comme si elle voulait rendre compte de l’atmosphère cruelle du monde politique russe.
Eric Demey
A propos de l'événement
Roland Auzet adapte « Le Mage du Kremlin » de Giulano da Empolidu mardi 10 septembre 2024 au dimanche 3 novembre 2024
La Scala Paris
13 Boulevard de Strasbourg, 75010 Paris
à 21h, le dimanche à 17h, relâche le lundi et les 24 et 25 septembre. Tel : 01 40 03 44 30.