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"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Avignon - Critique

Avec « Tout se pète la gueule, chérie », Frédérick Gravel met en corps des hommes

Avec « Tout se pète la gueule, chérie », Frédérick Gravel met en corps des hommes - Critique sortie Avignon / 2024 Avignon Avignon Off. CDCN Les Hivernales
Sandrick Mathurin / Frédérick Gravel, un mâle en crise

Théâtre des Hivernales / Conception Frédérick Gravel

Publié le 8 juillet 2024 - N° 323

Tout se pète la gueule, chérie revient 14 ans après sa création par le chorégraphe québécois Frédérick Gravel. Un état des lieux sur le masculin qui résonne de nouveau avec quatre hommes, mis à l’épreuve d’un public qui a su évoluer dans ses représentations.

Voici un chorégraphe qui « redécouvre » son œuvre : un mécanisme intéressant, quand on sait l’importance de la notion de répertoire en danse, avec son cortège de « relectures », de « recréations »… De son propre aveu, Frédérick Gravel n’avait pas saisi comment sa pièce revêtait en 2010, dans le regard des spectateurs, les atours d’une crise certaine de la masculinité. Il s’en explique au micro. On saisit alors le ton du spectacle, devant un chorégraphe qui justifie ses tentatives, digresse, s’inquiète du but d’une œuvre d’art (avoir des partenaires sexuels ?), de l’âge pour danser, ou de l’utilisation de l’argent public par les artistes. Distance et humour, bien sûr, pour qualifier cette proposition artistique, qui invite le spectateur à revoir ses attentes ! De fait, Gravel choisit d’approfondir sa mise en scène du corps masculin, quitte à nous en donner la nausée. Dans une référence à la culture américaine, les voilà en santiags, casquettes et coupe mulet, à jouer de leurs bouteilles de bière, au son de vieux airs de country. 

Faire la part des choses

On y voit aussi des mâles blancs aux muscles bandés, à quatre pattes sur les poings, pectoraux et deltoïdes saillants. On assiste à une scène de violence gratuite d’un groupe d’hommes envers un homme seul, jusqu’à l’humiliation. Des séquences où la sensibilité, voire la féminité, pourraient effleurer, tournent vite au ridicule : emperruqué en blonde, un homme nu joue à la danseuse de pôle dance, mais n’oublie pas de mettre dans la lumière ses plus beaux attributs et la puissance de ses membres. Plus tard, un autre traverse le plateau en ange naïf, deux petites ailes roses de papillon collées au dos. Finalement, le chorégraphe conforte ici le danseur comme objet, et objet de désir. Il met à distance, grâce à l’humour, la virilité démesurée, la virilité toxique, avec toutefois un risque, qu’il appartient au spectateur de déjouer : car à force de stéréotypes, de caricatures, n’est-il pas plus difficile de toucher à la vérité de l’être, à sa vulnérabilité, et d’accéder à la dimension critique de l’œuvre ?

Nathalie Yokel

A propos de l'événement

Tout se pète la gueule, chérie
du samedi 6 juillet 2024 au mardi 16 juillet 2024
Avignon Off. CDCN Les Hivernales
18 rue Guillaume Puy, 84000 Avignon

à 21h, relâche le 11 juillet. Tél. : 04 90 82 33 12. 

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