Blasted / 4.48 Psychosis
Après avoir plusieurs fois mis en scène ces [...]
Avec les acteurs du Théâtre National Palestinien, Adel Hakim reprend Antigone à la Manufacture des Œillets. Dans la belle scénographie d’Yves Collet, une Antigone exaltée, dont la modernité reprend puissamment la forme de l’antique tragédie.
La tragédie n’est jamais au présent. Soit elle est récit, soit elle est prédiction, prenant toujours la forme du déjà advenu, puisque, à cause du destin, le futur est un passé à venir. Dès lors, le discours remplace l’action, au risque d’une interprétation d’un hiératisme statique. Yves Collet invente une très intelligente scénographie qui permet d’éviter ce risque, tout en rendant, de façon éclatante, l’inexorable du discours. En fond de scène, sept panneaux joints, – sept, comme les sept portes de Thèbes, devant lesquelles se sont entretués Etéocle et Polynice ainsi que leurs champions -, s’ouvrent et se ferment, au gré des entrées et des sorties des derniers Labdacides. Créon surgit, nimbé de colère, pour dire la loi des hommes et récuser la justice des dieux ; Antigone apparaît, auréolée par la gloire sacrificielle, pour rappeler l’intangible loi des dieux et accuser la force des hommes. « La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. », disait Pascal. Au centre de la scène, comme si le théâtre était mis en abyme, un grand carré surélevé accueille les différents récits : la tragédie se joue en se disant, et le théâtre exalte le pouvoir du verbe.
Modernité et éternité de la tragédie
Le décor est donc celui de toute tragédie, mieux encore que celui des affres par lesquels passent les pitoyables et terrifiants descendants du malheureux Œdipe : cette scénographie lumineuse permet de moderniser, en l’universalisant, la pièce de Sophocle. On ne peut pas ne pas penser, en écoutant les comédiens du Théâtre National Palestinien incarner l’affrontement aveugle des protagonistes d’Antigone, au jusqu’auboutisme des combattants de leur pays. Les costumes modernes suggèrent la métaphore autant que la langue arabe l’impose. Mais Adel Hakim n’est ni un cynique, ni un militant adepte des raccourcis démagogiques. Son théâtre est toujours nourri de cet amour de la vie et des hommes, qu’il retrouve dans la poésie de Mahmoud Darwich, intégrée à ce spectacle. Le metteur en scène suggère plutôt qu’il n’impose, et sa lecture intemporelle de Sophocle acquiert ainsi davantage d’acuité politique et de résonnance contemporaine. Servie par des acteurs puissants et enthousiastes, aussi émouvants que truculents et drôles selon leurs rôles, cette mise en scène d’Antigone est une très belle et très forte démonstration de l’éternité de la tragédie.
Catherine Robert
janvier à 20h, samedi à 18h, dimanche à 16h, le 12 à 19h, relâche le 10 janvier. Tél : 01 43 90 11 11.
Après avoir plusieurs fois mis en scène ces [...]