La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Entretien

Elvira (Elvire Jouvet 40)

Elvira (Elvire Jouvet 40) - Critique sortie Théâtre Paris Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Toni Servillo et Petra Valentini

Athénée Théâtre Louis-Jouvet / de Brigitte Jaques-Wajeman / mes Toni Servillo

Publié le 28 décembre 2016 - N° 250

A partir de la sténographie des cours donnés par Louis Jouvet au Conservatoire en 1940, Brigitte Jaques-Wajeman a composé un matériau scénique, aujourd’hui interprété et mis en scène par Toni Servillo, figure magistrale de la scène italienne.

« Donner à réfléchir sur la noblesse de ce métier de comédien et sur la noblesse de la transmission du savoir. »

Pourquoi choisir cette pièce ?

Toni Servillo : Surtout parce que j’ai un grand respect, une grande admiration pour Louis Jouvet. Son travail et sa réflexion sur le théâtre en font un des grands réformateurs du théâtre en Europe, à l’instar de Copeau, ou d’Artaud, ces grands hommes qui ont donné une dimension nouvelle à l’interprétation et à la mise en scène. Aussi parce qu’après la mise en scène de Tartuffe et du Misanthrope, cela me paraissait normal de rencontrer Jouvet, qui fait autorité à propos du théâtre de Molière. Enfin parce que l’histoire du Piccolo Teatro a été marquée, en 1987, par la mise en scène de cette pièce par Giorgio Strehler. Je crois nécessaire, aujourd’hui, en Italie autant qu’en France, de donner à réfléchir sur la noblesse de ce métier de comédien et sur la noblesse de la transmission du savoir.

Comment envisagez-vous cette pièce ?

T. S. : Elle n’est pas seulement une pièce de théâtre dans le théâtre ou un épisode important de l’histoire du théâtre : elle offre surtout l’émouvante occasion de voir le théâtre qui travaille dans l’intériorité des personnages. Un maître et une élève sont ensemble devant le mystère du personnage d’Elvire. Ils font le voyage à travers le personnage, entre l’intériorité du maître et celle de l’élève. Le théâtre, c’est toujours une aventure vers ce que nous ne savons pas des autres, qui nous offre la possibilité de les connaître par l’intermédiaire des personnages. On peut, avec ce texte, donner à voir ce que montre le théâtre : la vérité, la peur, le désir. Tout ça, c’est ce que nous appelons l’aventure du théâtre. Chercher en soi-même ce qui est à la fois étrange et familier en nous. Se perdre et se retrouver.

Pourquoi Jouvet est-il si important dans l’histoire du théâtre ?

T. S. : En 1940, alors que Jouvet donne ses cours au Conservatoire, il y a la guerre autour de la ville, autour du théâtre. Ces cours et cette pièce sont une métaphore magnifique sur la résistance de l’art contre la barbarie de la guerre. Le propos est aujourd’hui très actuel, car si nous ne sommes évidemment pas dans la même situation, nous y sommes presque… Jouvet nous indique la manière de réagir par la beauté de l’art contre la barbarie. Historiquement, Jouvet apporte une dimension nouvelle au travail du comédien. Il pense que le travail (à la fois technique et spirituel), la discipline et le sacrifice de la vie doivent permettre d’obtenir une sorte de transparence. Le comédien doit être incandescent : il brûle sur la scène entre le texte et le monde. Jouvet demande aux comédiens un travail qui doit leur offrir la possibilité de trouver en eux-mêmes ce qu’éprouvent les autres. Les nouvelles générations de comédiens entretiennent souvent une relation à ce métier qui se contente d’une dimension très superficielle du talent. Etre seulement un funambule du talent offre une disponibilité au cabotinage mais oublie le travail en profondeur, qui, seul, donne sa poésie à une interprétation.

Comment vous, qui êtes un maître, parvenez-vous à interpréter Jouvet ?

T. S. : J’ai cherché l’équilibre entre moi et le personnage, en évitant l’exposé histrionique de moi-même. Je cherche à montrer le travail de Jouvet, qui consiste justement à interroger la relation entre le comédien et le personnage. L’interprétation est juste au milieu, et elle oblige à la simplicité. Il s’agit presque d’une exécution musicale : à la place des notes, il y a les pensées de Jouvet. Je me tiens donc entre les limites posées par la dramaturgie de Brigitte Jaques et les indications de Jouvet lui-même. Le maître en question, c’est Jouvet.

 Propos recueillis par Catherine Robert (remerciements à Mara Minalesi)

A propos de l'événement

Elvira (Elvire Jouvet 40)
du jeudi 12 janvier 2017 au samedi 21 janvier 2017
Athénée Théâtre Louis-Jouvet
7 Rue Boudreau, 75009 Paris-9E-Arrondissement, France

Le mardi à 19h ; mercredi, vendredi et samedi à 20h ; dimanche à 16h. Tél. : 01 53 05 19 19. Production Piccolo Teatro di Milano-Teatro d’Europa / Teatri Uniti di Napoli. Spectacle en italien surtitré en français.

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