La Terrasse

"La culture est une résistance à la distraction" Pasolini

Théâtre - Critique

A toi, pour toujours, ta Marie-Lou

A toi, pour toujours, ta Marie-Lou - Critique sortie Théâtre Paris THEATRE DU LUCERNAIRE
Crédit photo : Jules Pajot Légende photo : les quatre comédiens de A toi, pour toujours, ta Marie-Lou

Lucernaire / de Michel Tremblay / mes Christian Bordeleau

Publié le 12 juin 2013 - N° 210

Comment faire pour aimer ? Christian Bordeleau confie à un quatuor d’excellents comédiens le savoureux chassé-croisé théâtral, au cours duquel Marie-Lou et les siens tentent de répondre à cette question.

Installé en France depuis plus de vingt-cinq ans, le comédien et metteur en scène québécois Christian Bordeleau y fait découvrir le répertoire théâtral de la Belle Province. Michel Tremblay, qui a su sauvegarder la rugosité poétique du joual, ce parler truculent né de la rencontre entre le français et l’anglais, et qui invente, dans son œuvre, une comédie humaine authentiquement populaire, est un des meilleurs dramaturges d’outre-Atlantique. Ses pièces sont « des hymnes à la vie, de grands, d’incroyables véhicules d’émotions et d’humour caustique », dit Christian Bordeleau. A toi, pour toujours, ta Marie-Lou installe sur scène, dans deux temps séparés par dix années d’incompréhension et de souffrance, les deux filles, Manon et Carmen, et leurs parents, Marie-Lou et Léopold. Dans la cuisine familiale, les parents vivent leur scène finale, juste avant de mourir, pendant que les deux filles font le point sur les événements qui ont bouleversé leur vie.

« Nondum amabam sed amare amabam »

Manon vit enfermée entre ses démons et Dieu, parlant régulièrement au second et tâchant vainement d’exorciser les premiers. Carmen l’exhorte à s’extirper du mausolée mortifère de la maison parentale et du souvenir de sa mère. On comprend peu à peu que si Manon est un cul-béni, pétrifiée dans la dévotion au culte de la malheureuse Marie-Lou, c’est qu’elle imite inconsciemment celle-ci, dont le cul, peu et mal visité par Léopold, n’a été qu’une matrice à ressentiments rances et à reproches continuels. Carmen a choisi la vie comme son père aurait sans doute préféré la vivre, dans la joie et l’amour plutôt que dans les vapeurs alcoolisées d’une vie de labeur insensée. La composition dramatique ménage le suspense et joue efficacement des allers-retours entre le présent et le passé ; les quatre comédiens servent avec brio ce dialogue émouvant entre la mémoire et les non-dits. Le texte, émaillé de ces expressions imagées et drôles du français canadien, est particulièrement savoureux. Les comédiens le disent avec un abattage sacrément efficace. La mise en scène les place en position frontale : l’adresse quasi systématique au public renforce l’impression d’incommunicabilité entre les personnages. Pour être heureux, il aurait fallu que Marie-Lou et Léopold s’aiment, mais, mieux encore, il aurait fallu qu’ils aiment aimer : jolie leçon donnée par Michel Tremblay, remarquablement relayée par Christian Bordeleau et les siens.

Catherine Robert

A propos de l'événement

A toi, pour toujours, ta Marie-Lou
du samedi 15 juin 2013 au samedi 6 juillet 2013
THEATRE DU LUCERNAIRE
53, rue Notre-Dame des Champs, 75006 Paris

Du 15 mai au 6 juillet 2013. Du mardi au samedi, à 19h. Tél. : 01 45 44 57 34. Durée : 1h20.
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